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 Naître et mourir. [PV]

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Alessio
Spectre Céleste du Griffon et juge d'Hadès
Spectre Céleste du Griffon et juge d'Hadès
Alessio
Rôle : Oiseau de malheur.
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MessageSujet: Naître et mourir. [PV]   Naître et mourir. [PV] EmptyLun 26 Aoû 2013 - 0:43

Les lourdes portes d'Anténora se refermèrent dans un claquement sourd. À peine l'air soulevé par leur déplacement fut-il retombé que ce fut au tour du Juge du Griffon de choir lourdement, ses jambes ne le portant plus. Il avait eu la force de venir dignement jusqu'ici, sans rien laisser paraître de son malaise, mais n'irait pas plus loin. Pas après ça. Ce qu'il venait de faire ne pouvait pas avoir si peu d'impact. Il venait d'accomplir un acte d'une portée incalculable, et il allait lui falloir en payer le prix. Lui-même ignorait les raisons qui l'avaient poussé à agir d'une telle manière – outre les plus évidentes, celles qui pourraient lui coûter la vie, la non-vie, celle qu'il avait vouée à être un fléau pour l'humanité. Il avait agi impulsivement, de manière tout à fait irréfléchie – ou du moins pas aussi judicieusement pensée qu'il l'aurait voulue. D'habitude, il se montrait si prudent, si méthodique qu'il était étonnant qu'il se soit permis de tels gestes sans y avoir réfléchi plus mûrement. S'il était effectivement question de sa survie, rien de plus normal que d'avoir réagi dans l'instant, le plus tôt étant le mieux. Pour autant, de là à penser qu'il puisse en avoir besoin urgemment...

Il n'y avait pas de raisons de le croire. Dans son état – celui dans lequel elle l'avait quitté – elle n'était aucunement disposée à trahir – à LES trahir, lui comme elle étant tout deux fautifs. Elle s'était laissée corrompre par ce que Belhys et lui avaient vécu cette nuit-là et devait elle aussi à présent transiger avec ses principes les mieux ancrés, se remettre en question – redonner un sens à sa vie. Elle qui n'avait de tout temps su aimer qu'une seule personne goûtait à présent aux joies volages avec un mortel. Peut-être que l'éphémère appelle l'éphémère, et que c'était en ce sens qu'elle s'était donnée à lui, mais en ce cas comment pouvait-elle être si sensible encore maintenant ? Non, il y avait quelque chose de plus profond. Mais quoi ? Là était toute la question. Et s'il avait cru de prime abord ne pouvoir que s'en réjouir, il n'était finalement pas dit que ce soit une bonne chose – ou pas que ça tout du moins.

Tu ne m'auras pas comme ça. expire-t-il douloureusement.

Oui, il savait ce qu'il risquait à lui rappeler ce qu'elle avait volontairement oublié et à revenir dans sa vie au moment où il aurait été plus simple de la quitter à jamais. Que par ce geste, cet acte, il reprenait là où il l'avait laissé un jeu dangereux. Sans doute même plus encore qu'il ne l'était à l'époque du fait qu'il était à présent question de son véritable corps, de ses sentiments authentiques. Ce qui n'était au départ qu'une provocation à l'envers de la Reine Noire et de son époux l'avait finalement entraînée elle aussi dans une spirale infernale dont elle ne pourrait plus s'extraire, quels que soient ses efforts pour ce faire. Une fois que le magnétisme a fait son effet il est trop tard, l'attraction s'opère sans que l'on ne puisse plus rien y faire et il n'était pas près à la laisser sortir de ses filets, de son étreinte qu'il venait de réaffirmer. Le présent qu'il lui avait fait, si indifférente qu'elle ait pu essayer de paraître, elle ne pourrait pas l'oublier.

Cela ne se pouvait, et le simple fait de l'envisager n'était pas sans évoquer une profonde irrationalité. Elle ne tarderait pas à s'en rendre compte par elle-même et ne pourrait alors plus que revenir en rampant, en dépit du fait que ce soit elle qui ait prétendu s'éloigner – l'éloigner d'elle, pour ne pas rechuter. Mais il ne la laisserait pas s'échapper. C'était ensemble qu'ils tomberaient au coeur des tourments, comme ils l'avaient fait autrefois « tous les trois ». Un violent spasme se propagea le long de son être après avoir transpercé son torse tandis qu'il y portait une main tremblante, son corps s'ébranlant un peu plus de seconde en seconde alors que son coeur se mettait à battre au rythme du temps. Tout ce qu'il était était en train de changer, sa nature même ne pouvait rester ce qu'elle avait toujours été, contrainte de s'adapter. C'était marche ou crève, et il n'avait pas l'intention d'en rester là.

Même le corps immortel fourni par le maître des morts – béni soit-il ! songea-t-il avec toute l'ironie dont il était capable – ne lui garantissait pas de s'en tirer. Son âme elle-même était en train de se consumer, son coeur était en train de brûler. Ses entrailles parurent se liquéfier tandis que le sang lui ruisselait au bord des lèvres pour ensuite mieux s'écouler à grandes goulées. Chacun de ses organes lui donna l'impression d'exploser et de se reconstituer morceau par morceau pour mieux recommencer jusqu'à avoir la forme parfaite, idéale, dépourvue de tous ces défauts qui faisaient de lui un être humain. Sa peau elle-même lui semblait se tendre à outrance et se déchirer pour ensuite se recomposer à l'instar du tissu auquel on l'assimilait quelque fois avant d'être retissée sans jamais perdre de son teint mat qui en devint même plus homogène.

Ses os eux-même avaient l'air de s'être mis à fondre, de n'être plus que lave en fusion alors que l'hémoglobine devenait dans la moindre de ses gouttes un poison mortel dont il serait le réceptacle. C'était comme si l'on venait de le broyer jusqu'à la dernière miette et qu'on était en train de mélanger toute sa substance à une chose nouvelle, à ce qu'il avait péniblement commencé à assimiler – à ce qu'il était sur le point de devenir. Une entité dépouillée de tous ses défauts et qui du bout de ses doigts pouvait effleurer la caste du divin sans jamais y entrer, sans jamais avoir la chance d'y poser ne serait-ce qu'un pied. Une chimère, une abomination. Une créature bâtarde et contre-nature qui n'aurait jamais au grand jamais du voir le jour. Mais n'était-ce pas tout ce qu'il était dès le départ ? Cela ne ferait que le conforter dans ce rôle, le rendre un peu plus surnaturel, un peu plus inhumain. Un peu plus exceptionnel – il fallait au moins cela pour plaire à une déesse, pas vrai ?

Sans qu'il ne sache trop comment, il avait finalement réussi à se relever, à esquisser quelques pas vers l'avant pour se diriger vers ce qui lui semblait être sa salle du trône. Il n'en était pas sûr, plus sûr. Ne savait plus qui il était ni même ce qu'il était. Il savait uniquement qu'il devait continuer d'avancer. De marcher même s'il était cerné par les ténèbres et de dévorer toutes les ombres qui auraient le malheur de vouloir l'engloutir. La destruction et la reconstruction. Le début et la fin. La vie et la mort. La lumière et les ombres. Le bien et le mal. Le blanc et le noir. L'envers et l'endroit. La beauté et la douleur. Le plaisir et la douleur. La joie et la peine. Le chaud et le froid. Autant de concepts opposés qui paraissaient se percuter à travers lui comme s'il n'était plus qu'un portail au travers duquel voyagerait toute la vérité complexe de l'univers, bâtie sur un fragile équilibre depuis la nuit des temps.

Lui qui n'aurait jamais dû approcher les dieux, qui les maudissait plus que tout et les avait haï de toutes ses forces dans la mort était en passe d'en devenir un. Cruelle fatalité, mais il n'existait nulle alternative qui lui procure une telle sécurité. Cette douleur, cette folie, il devait l'endurer, l'intégrer à sa vitalité pour qu'elles ne fassent plus qu'une et donnent le jour à un homme nouveau. Pour façonner une nouvelle enveloppe dans laquelle transférer sa conscience avant que celle-ci ne soit plus que cendres et ruines, qu'os et chair putréfiée. Il ne serait pas que poussière disséminée aux quatre vents. Il était un poids avec lequel il fallait compter, une armée d'une seule personne avec ses propres règles. Au fond de lui déferlaient en une pluie drue et discontinue le feu, le sang, le bruit et le métal, lui apportant la sensation de n'être qu'une vulgaire machine que l'on démonterait pièce par pièce avant de la remonter dans le désordre à l'infini un nombre de fois illimité jusqu'à lui trouver un aspect encore meilleur que celui qu'il avait par le passé.

L'écraser jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus la moindre trace et le faire renaître à partir de rien. Ni âme ni corps, juste une vague étincelle au milieu de nulle part, un éclat de vide au milieu du néant qui se recréait par ses propres moyens, jetait toutes ses forces dans une bataille contre cette frontière que nul ne pouvait franchir par ses propres moyens. Il était en train de faire un pas que l'humanité ne pouvait espérer voir un jour, celui qui les emmenait dans le domaine du surhomme, du divin. Il était en bonne voie pour devenir un dieu vivant, mais il lui faudrait pour cela ne pas s'effondrer avant. Il lui fallait être fort, plus fort qu'il n'aurait jamais pu l'imaginer. Son esprit lui-même, pourtant si solide se fracassa plus d'une fois pour ensuite se régénérer, ébranlant les fondations de tous ses principes, de toutes ses convictions, du passé du présent et de l'avenir. Il n'avait jamais été aussi seul, mais parallèlement aurait aisément pu croire que des millions, des milliards de voix se bousculaient dans sa tête et faisaient voltiger sa psyché sur les cimes de l'existence. La pièce se mit à tournoyer. Le sol, les murs, le plafond, le tapis, les décorations... Tout se mêla jusqu'à n'être plus qu'un infâme marasme dans lequel il sombra tête la première.

Il était en train de tomber.

* * *

Ses pupilles se rouvrirent dans l'instant.

Un papillon aux couleurs chatoyantes passa devant ses yeux pour ensuite gagner les sommets. Relever la tête pour le suivre du regard l'aveugla brièvement ; le ciel était d'un bleu éclatant. Il faisait un temps radieux, et la douce chaleur que propageaient les rayons d'un soleil brûlant comme il n'en avait plus vu depuis des années. De fines gouttes de transpiration perlaient sur son front – sueurs froides ou conséquence de cette température enivrante ? Il papillonna des paupières un moment, revenant avec peine à une réalité à laquelle il s'était arraché sans trop savoir comment, sans s'en rendre compte. Il n'avait que peu dormi la nuit dernière, mais de là à penser qu'il s'endormirait en pleine journée et au beau milieu de nulle part... Même s'il était vrai qu'il ne s'était plus senti aussi détendu depuis fort longtemps. Depuis combien de temps n'avait-il plus pu profiter de ce paysage enchanteur qu'il immortalisait sous tous les angles dès qu'il en avait la liberté ces dernières années ?

Son pinceau à la main, une couleur ocre du plus bel effet longuement préparée à son sommet, il scruta d'un oeil critique la fresque qu'il avait cessé de peindre le temps de reposer ses prunelles azurées. Une main dépourvue de gant alla à la rencontre de son visage pour en chasser la légère humidité, lui présentant le teint halé qu'il lui connaissait bien et lui rappelant le contact de ses propres empreintes digitales – qui lui sembla étrangement peu familier. Ne les avait-il pourtant pas senties pas plus tard qu'il y a une heure pour apposer son pouce souillé de peinture au bas de l'oeuvre précédente en guise de signature ? De la paume, il repoussa les mèches d'ébène qui lui tombaient sur les yeux tout en se faisant la remarque qu'il serait grand temps de les écourter, sa crinière n'ayant pas vu la couleur d'une lame appropriée depuis des années. Ses doigts heurtent sans le vouloir la boucle d'oreille qui pend à son lobe et tinte faiblement alors qu'il se redresse sur son tabouret et tente de se rappeler où il en était resté.

S'endormir en pleine peinture... Ce n'était pas ainsi qu'il parviendrait à se faire un nom dans le métier, malgré des aptitudes créatives que son entourage n'en finissait plus de décrire comme étant hors du commun. Presque surnaturelle. Des qualificatifs qui n'avaient toujours pu que le faire sourire et répondre qu'il y avait peut-être une touche de magie – voire, pourquoi pas, de sorcellerie – là-dedans. Allons bon. S'il était expert en magie noire, cela se saurait, et il n'en serait pas à devoir s'échiner sur son chevalet dans l'espoir d'un jour voir ses compétences être reconnues à leur juste valeur. L'envie lui vint de se demander ce qu'il ferait s'il était doté de tels pouvoirs. Il se souvenait d'un rêve où il s'était retrouvé dans ce cas de figure, mais il était trop loin, trop trouble désormais que pour se faire une idée précise de ce qu'il y tramait. Tout à ce songe, il retourna à sa création, la couleur n'ayant par bonheur pas eu le temps de sécher.

À quoi bon ?

Il faisait trop beau pour ça, en fin de compte. Reposant son attirail sur la table basse qu'il avait déplacée à cette fin, il se laissa ensuite choir dans l'herbe de tout son long pour s'y reposer et laisser à ses courbatures la possibilité de s'estomper. Ses paupières se fermèrent une fois de plus pour n'avoir pas le soleil dans les yeux. Il aurait bien voulu épier la course des nuages et trouver dans leur forme une nouvelle source d'inspiration, mais n'en trouva à aucun moment ni l'énergie ni l'envie. Ces quelques minutes de parfaite plénitude, de complète sérénité n'allaient pas durer, il en était intimement persuadé. Quant à savoir pourquoi, il n'en avait aucunement idée et ne voulait pas s'y pencher. Ce doute indicible eut tôt fait d'être écarté de ses pensées, juste assez longtemps pour que la caresse fragile et vacillante d'une brise d'été s'échoue à la surface de sa peau. Un cri familier rompit la tendre monotonie de cette paix parfaite :

Orion ! Arrête d'embêter le chien et tiens-toi tranquille, on ne va pas tarder à rentrer !

Propos adressé à l'ombre enfantine au loin, indistincte, qu'il aperçoit du coin de l'oeil. Un aboiement aussi plaintif qu'approbatif fit écho à cette démarche autoritaire, aussitôt suivi d'un « oui maman » vague et lointain qui se perdit au creux du vent. L'ombre d'un sourire se répandit sur ses lèvres jusqu'à les gagner entièrement, ce seul timbre de voix suffisant à lui mettre du baume au coeur. Pour autant, il ne leva pas le petit doigt, lui laissant le soin de se débrouiller avec cet enfant – leur enfant – tout en feignant de s'être rendormi. L'heure se faisait tardive mais il n'avait pas envie de rentrer, se trouvant tout aussi bien ici tant que l'être aimé – enfin, les êtres aimés depuis quelques années – étaient à ses côtés. Ce n'est qu'après une poignée de minutes de plus qu'il sentit des lèvres se poser sur les siennes alors que de longues mèches qu'il savait d'ébène cascadaient sur son poitrail et la chemise blanc cassé qui le dissimulait. Ses yeux se rouvrirent pour sonder les prunelles sombres qui les attendaient et sa main se leva pour se poser sur sa nuque, la retenant pour prolonger encore quelque peu la magie de cet instant.

Même des années après, ces baisers, la moindre de ses étreintes avait encore l'air de contenir le même envoûtement qui l'avait fait tomber sous son charme. Même au beau milieu d'un après-midi ensoleillé, elle paraissait environnée par les ombres, nimbée des ténèbres dont elle n'avait de cesse de s'habiller depuis qu'il la connaissait. Il avait voilà longtemps délaissé les tenues trop formelles pour lui montrer l'exemple mais rien n'y faisait. Il laissa le rideau de l'obscurité se refermer sur ses yeux une fois de plus alors que son front se déposait sur le sien, ses mains prenant appui sur son torse pour lui assurer de ne pas tomber sur lui – cela leur était déjà trop de fois arrivé, dans leur emportement. Une tape délicate, presque craintive vint se heurter à sa joue, le faisant grimacer, plus pour la satisfaire que par réelle douleur. Le léger rire qu'il entendit venir d'elle lui prouva qu'il avait rempli son objectif.

Il semblerait que je sois démasqué.
Qu'est-ce que tu crois ? Tu l'as toujours été. Depuis le temps, tu devrais savoir que tu ne peux rien me cacher.
Ah vraiment ? J'aimerais bien voir ça. Mais... Pas maintenant. Peut-être un autre jour. Sache toutefois que je ne l'oublierai pas.
Je n'en doute pas, mon cher... Alors, encore en train de rêver du passé, je parie ? Pour tout dire, maintenant, j'ai l'impression que tout ce qui s'est passé à l'époque n'a été qu'un rêve... Un joli conte de fées pour enfant. On en a vécu des choses, mais maintenant tout cela n'est plus que du souvenir. Cette vie me convient mieux... Et je ne suis pas la seule, j'ai l'impression.

Il ne lui répondit que par un sourire et tâcha de descendre ses bras autour de son corps pour la faire basculer vers l'avant de sorte à ce qu'elle s'écrase sur lui, comme elle avait justement tenté de l'éviter. Contrairement à lui qui reposait à même le sol, au moins aurait-elle la chance et l'honneur d'avoir son buste pour lui tenir lieu d'oreiller. De petits pas précipités finirent par se rapprocher à vive allure, et ce n'est qu'à leur proximité imminente que tout sans exception se mit à tourner une fois de plus. Il se sentit partir, quitter son corps pour s'enfoncer dans une eau sombre mais pas froide pour autant, jusqu'à ce que la surface soit si loin qu'il ne puisse en distinguer la moindre lueur. Il avait sommeil, tellement sommeil... Des années de repos qu'il lui fallait à présent rattraper. Ce calme... Peut-être que finalement, ce n'était pas si mal. Pourtant, à cet instant, un seul mot lui vint à l'esprit... Désespoir.

* * *

Il ouvrit les yeux en grand, comme cherchant désespérément une bouffée d'air frais après être remonté du plus profond des abysses. Il suffoquait et, au goût ferreux qui lui emplissait la bouche, s'attendit à cracher toujours plus de sang mais il n'en vint pas une goutte. Une odeur persistante de mort planait pourtant autour de lui et il en était manifestement l'auteur. Il tenta de porter une main à son visage pour en chasser la sueur et sa chevelure désordonnée, mais n'obtint en réponse qu'une série de cliquetis métalliques. Il avait revêtu son Surplis. Quand et comment ? Impossible à déterminer, mais ce qui était sûr était que celui-ci était dorénavant parcouru d'une résonance comme il n'en avait jamais ressenti auparavant. Ses pupilles dorées se posèrent sur sa main gantée dont il plia et déplia les doigts à plusieurs reprises, comme s'il n'arrivait pas malgré tous ses efforts, toute sa concentration à la voir comment étant la sienne. Son corps tout entier continuait de vibrer, au diapason de cette goutte unique qui avait infecté tout son système sanguin, tout son système nerveux jusqu'à se l'approprier.

...Il n'était plus lui-même. Il avait tout perdu, pour en retour gagner... Autre chose. Quelque chose dont il ne pouvait pas encore définir les contours, dont le tracé exact continuait de lui filer entre les doigts. Tout était confus et il avait l'impression que le moindre son aussi lointain qu'il puisse être retentissait dans sa tête comme un coup de tonnerre. Sa vue portait au-delà du réel, son toucher examinait immédiatement les détails les plus infimes à travers la matière... Il devait réapprendre à vivre, à tolérer un corps qui n'était plus le sien. Un rêve, hein... Quelle que soit la durée qu'avait eu ce moment d'égarement, elle ne l'avait pas laissé en pleine santé, tout au contraire. Il s'était rarement senti aussi mal, sauf peut-être depuis les flammes du Lac de Sang – et encore, là où il en avait été infiniment soulagé en sortant enfin de ce supplice, il ne ressentait pour l'heure qu'un profond dégoût qui lui retournait le coeur et ne lui donnait d'autre envie que celle de se mutiler pour extraire ce « quelque chose » qui avait fusionné avec lui. Souillé, voilà ce qu'il était, et il aurait pu s'arracher la peau que cela n'aurait rien changé à l'affaire.

Incapable de se lever, il pesa de tout son poids contre le dossier de son siège royal, constatant au passage que les ailes de son armure s'étaient pleinement régénérées. Des heures voire des jours avaient du s'écouler depuis qu'il était rentré sans qu'il n'en sache rien, plongé dans cet état catatonique. Ce n'est que quand sa vision troublée finit par faire la mise au point qu'il vit dans quel état désastreux était sa demeure. Un champ de ruines, voilà ce qu'il en était : tout ce qui pouvait être détruit l'avait été, à deux ou trois détails près. De profonds cratères étaient visibles de part et d'autre sur les cloisons, creusés selon des angles divers mais toujours avec la même barbarie. Le carrelage avait été rompu de toutes parts et c'était à se demander par quel biais il parvenait encore à conserver un semblant d'éclairage dans la pénombre, lustres et bougies ayant de toutes parts été arrachés et broyés sans autre forme de procès. Son cosmos, encore maintenant, palpitait comme s'il venait d'en faire un usage intensif – à couper le souffle si l'on peut dire.

Chacun de ses muscles le faisait souffrir quand il trouva la force et la volonté de presser sur ses accoudoirs pour retrouver une posture correcte et finalement se redresser. Il chancela sur ses pieds et dut attendre de se stabiliser pour pouvoir s'avancer, quoiqu'encore un peu gauche dans ses mouvements. À croire que le simple fait de marcher était désormais quelque chose d'inconnu pour lui, qu'il lui fallait tout reprendre depuis le début. C'était d'autant plus malaisé qu'il lui fallait trouver son chemin parmi les décombres et que la violente migraine qui vrillait ses tempes n'aidait en rien à recouvrer un semblant de lucidité dans son esprit dont la pagaille n'avait rien à envier à celle de sa royale demeure. Sa main gagna son visage. Un rire nerveux, incontrôlable lui échappa alors qu'il inhalait à pleins poumons ce parfum subtil et délicat qui se répandait dans l'air, directement issu de son imagination encore en pleine émanation. Odeur de danger avec un zeste de liberté. Exactement ce qu'il lui fallait.

Quelque chose s'était brisé et il le sentait. Pas en lui, mais en elle.

Il l'avait éprouvé à travers son âme et encore maintenant percevait dans les méandres de celle-ci que quelque chose était manquant. Comme si à peine tissé ce lien aussi intime qu'il pouvait l'être avait commencé à se corrompre, à se nécroser. Toujours intact pourtant, et même plus ferme que jamais, il n'avait pas moins quelque chose de dérangeant. Le processus ne s'était peut-être pas déroulé comme prévu mais en tout cas il pouvait sentir aux volutes de son noir cosmos que la transformation avait apporté les bénéfices attendus et même plus encore. Ce n'était pas tout à fait fini, il n'en achevait plus de se modifier, une lente mais constante ébullition s'opérant sous son épiderme. Il ne prit cependant pas la peine de s'en enquérir avant qu'un léger picotement ne sillonne son front, lui annonçant que ses blessures étaient en train de s'effacer. Ces stigmates qu'il portait depuis toujours. Il n'en était pas question. S'il les avait gardés jusqu'à ce jour, c'était pour une bonne raison. Ses doigts caressèrent sa peau en pleine cautérisation et, malgré le labeur que ce fut pour lui d'échapper le moindre son, il murmura sèchement :

Arrête.

Aussitôt, le frémissement cessa. Il ne resta plus que le calme et le silence. Vide et solitude, ses meilleurs alliés en cette heure où plus rien n'était pareil. Le Juge voyait le monde d'un autre oeil, à travers un filtre, un prisme qui lui apportait quantité de nuances qu'il n'aurait jamais pu ne serait-ce que deviner avant cet incident. L'épreuve qu'il venait de traverser avait été longue et tumultueuse, mais voilà que la sortie du tunnel était atteinte et qu'il pouvait renaître à la lueur du jour – ou dans les profondeurs de l'obscurité, qui convenaient bien mieux à un enfant de la nuit tel que lui. Ne pas réussir à se rappeler de quoi son voyage au pays des rêves l'avait confronté était perturbant, surtout en voyant le résultat de cet effondrement tout autour de lui, mais sans doute se remémorerait-il au moins quelques détails à un moment donné. Dans le cas contraire... Tant pis. Il avait eu ce qu'il voulait. Elle aussi apparemment. Mais sans qu'il ne sache pourquoi, il anticipait que cela n'allait pas lui plaire.

Qu'importe !

Car si elle n'avait déjà qu'un nombre médiocre de portes de sortie pour se détourner de lui, il venait de refermer les dernières en créant entre eux une jonction qu'elle ne pourrait briser même à l'aide de tout son pouvoir. Un lien écarlate. Un lien de sang. Comme s'il était une extension de sa chair et de son sang. Une partie d'elle-même. Et réciproquement, bien évidemment. Un geste encore un rien fébrile lui fit extirper de l'immatériel une cigarette qu'il porta à ses lèvres et alluma dans la foulée avant de retourner s'asseoir, encore fortement dérouté par toutes ces perspectives qui s'offraient à lui. Son inconscient continuait pour sa part de le lanciner, comme s'efforçant de lui rappeler un détail pouvant avoir son importance, une donnée manquante. Mais sans qu'il n'en soit plus au fait, une réplique lui vint naturellement à l'esprit et aux lèvres, si bien qu'il aurait été criminel de ne pas la prononcer tant elle lui était spontanée.

J'ai encore plus d'un tour dans ma manche.
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Hypnos 1

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MessageSujet: Re: Naître et mourir. [PV]   Naître et mourir. [PV] EmptyMar 27 Aoû 2013 - 19:21

Pendant un instant, Hypnos avait senti son assurance vaciller avec la soudaine montée en puissance du maître d'Anténora. Un tel déploiement d'énergie n'avait rien de normal, et la norme s'applique rigoureusement parmi les sbires d'Hadès. Sans attendre de contestation de la part d'Elicia, le Dieu du Sommeil retourna séance tenante dans les limbes du Monde des Rêves afin de vérifier sa théorie. Si Alessio est bel et bien devenu ce que son intense accroissement d'énergie phénoménal suggère alors les Enfers seront soit confrontés à une future menace sans précédent soit une aubaine digne de festivités pour leurs ressources militaires. Était-ce vraiment aussi simple que ce choix cornélien ? Seuls les faits fourniront un embryon de réponse aux yeux du Sommeil. Un arc apparut au beau milieu du premier domaine du Monde des Rêves nommé "Fantasy", le cercle accueillant les songes des hommes normaux peu importe leur nature et leurs origines. Bien entendu, sans ses fils pour diriger ces lieux sont laissés à l'abandon et les humains devraient s'en réjouir si seulement leurs esprits inférieurs pouvaient appréhender un tel monde.

Hypnos sonda les lieux en profondeur mais aucune trace de la résonance d'Alessio ne put être captée, voilà qui est bien singulier ou presque prévisible pour les espérances d'Hypnos. La longueur d'onde spirituelle du Griffon n'est pas de celles qui passent inaperçues, elle est à la fois extrêmement calme mais irrégulièrement active, de la nature des âmes qui réfléchissent à plus de cent à l'heure sans discontinuer. Vicieuse, malade et déformée dans un génie géométrique proche de l'informe et transcendant, voilà ce qu'est l'âme d'Alessio pour lui. La fourberie dans son état le plus pur... et divin sans aucun doute. Le fils de Nyx amorça donc sa descente plus profondément entre les strates des rêves en quête de son objectif, ce n'est pas tant que les limbes soient surpeuplés qu'Hypnos ne ressente pas encore l'entrée d'Alessio. Pouvait-il se retrouver directement sur le domaine de la Phobie ? Une éventualité à ne pas écarter mais peu commune pour un esprit comme celui du Griffon. Il n'est pas du genre à cauchemarder, surtout si Phobetor n'est pas là pour rendre la chose possible car le marionnettiste avait traversé pas moins de 1700 ans d'expiation dans le Lac de Sang. Avoir encore peur de quelque chose devenait virtuellement peu probable pour lui.

Il fallait bien se rendre à l'évidence, Alessio bénéficierait dorénavant d'un luxe onirique de choix parmi d'historiques élus entre les murs de Morphia. Le sourire qu'esquissa Hypnos fut le portrait exact de la déité ayant mis la main sur un divertissement durable, les murs de la dimension des songes réagirent en conséquence en se distordant pour révéler l'enceinte de l'abysse morphéique. Revenir aussi vite en ces lieux avait de quoi lui déplaire mais le résultat en vaudrait la chandelle, comme il l'eut espéré tantôt, un arc marqué du nom convoité en écriture grecque venait tout juste de s'ériger. Les iris d'or observèrent avec circonspection l'autre côté de la porte, une intense lumière témoignait certes de son activité mais la discorde cosmique qui y régnait préoccupa Hypnos. C'est comme si le Griffon se trouvait sur un seuil de conscience où tout son esprit bouillonnait littéralement, entre éveil et sommeil, c'est une cascade de complexes réactions psychiques qui s'étalait en parasites impossibles à analyser.

Les probabilités sont extrêmement minces, mais je dois le reconnaître. C'est un paradoxe totalement inédit, les souvenirs d'Alessio sont cryptés et dispatchés avant d'être reconstitués et transfigurés. L'apogée alchimique entre deux essences insolubles entre elles, une fusion taboue et mythique engendrant une mort irréversible en plein processus de résurrection. La naissance d'un dieu à partir des composants d'un homme, Alessio du Griffon... si j'avais pu imaginer à notre première rencontre que ton destin connaîtrait ce point culminant. Mais, ton âme résistera-t-elle ? Hu hu hu...


Plusieurs heures devaient s'être écoulées en temps réel, pourtant Hypnos ne bougea pas de sa contemplation. Des pans entiers de la vie d'Alessio venaient de se succéder sans qu'il ait pu en capter le sens d'un seul d'entre eux, c'est avec animosité que le Dieu du Sommeil fixait encore de marbre la psyché savamment reformée par la passion indicible du nouveau demi-dieu. Comme il s'en est douté, l'opération de renaissance a été destructrice autant sur la matière que sur l'esprit, mais au bout de ce qu'Hypnos avait décompté sur un délai de plus de 24 heures. Anténora ne devait plus être qu'un tas de ruines fumantes actuellement, et dans quel état retrouvera-t-il l'ancien Djinn ? Le Sommeil ferma silencieusement les yeux de dépit et fit mine de rebrousser chemin après tout ce temps d'attente. À ce rythme, ce calvaire allait finir par achever l'âme si la métamorphose ne s'opère pas en une ponctuation définitive.

Son soupir mourut toutefois dans sa gorge quand la cosmosphère contenue dans l'arc implosa dans un vacarme assourdissant, dos tourné au phénomène, Hypnos sentit un flash ardent être neutralisé de justesse par son surplis divin. Pivotant instantanément sur lui-même, il observa médusé le trépas et la renaissance d'un univers tout entier accompagné des premières contractions spatio-temporelles liées à un Big Bang. Tout un microcosme reconstruit et sublimé... Enfin, Alessio venait d'accomplir ce en quoi nombreux auraient péris à mi-parcours. Une série de cinématiques à la luminosité trop prononcée pour être distinguées défila alors brièvement devant le Sommeil sans voix, il eut beau se concentrer rien ne lui fut concrètement perceptible à part quelques silhouettes trop auréolées et un décor digne de l'Elysion. Qu'est-ce-que tout cela ? De quoi Alessio pouvait-il bien fantasmer ? Hypnos se sentait dépassé, son animosité monta d'ailleurs d'un cran et d'un mouvement rageur il brisa l'écran cosmique pour s'emparer de la cosmosphère du Griffon.

Tu m'auras fait perdre mon sang-froid, c'est exceptionnel et je t'en suis obligé. Nous allons donc converser... d'égal à égal !


La sphère lumineuse entre les mains, Hypnos fit appel à son cosmos sur un niveau tel que tout Morphia en trembla jusqu'à ce qu'il disparaisse purement et simplement. Si cela doit arriver alors ainsi soit-il ! Mais jamais rien n'est parvenu à glisser aux mains d'Hadès lorsque les dieux jumeaux veillent et ce n'est pas un spectre fraîchement divinisé qui y fera exception. Maintenant, cela va se jouer entre lui et un des serviteurs les plus proches de l'Empereur des Ténèbres, autant dire qu'Alessio allait devoir user de toute son éloquence coutumière pour convaincre Hypnos de sa fidélité immuable envers les Enfers... ou lui faire une offre aux perspectives disons plus alléchantes qu'un piètre serment aussi vieux que le monde. Tout dépendra de lui et des explications qu'il lui fournirait, l'atmosphère altérée d'Anténora lui déliera sa langue au besoin. Au moment où ce dernier savourait encore ce vulgaire rouleau de tabac avec lequel s'intoxiquent bêtement les mortels aux nouvelles modes, le domaine déjà dévasté d'Anténora accueillit sa visite impromptue en s'effritant de parts en parts jusqu'à ce que toutes les roches le composant éclatent et soient avalées par le trou de ver s'ouvrant au centre du plafond ouvert.

Parallèlement, la distorsion du continuum espace-temps s'étendit au-dessus d'Alessio qui ne put qu'assister au démantèlement de sa portion de terrain et se retrouver entouré par l'Hyperdimension. Contre toute attente, le Griffon demeura physiquement intègre au milieu de la voie des dieux et prouvait indubitablement l'acquisition de sa nouvelle nature divine. Intimidante, la voix d'Hypnos résonna comme un coup de tonnerre en écho à travers les failles de l'espace à l'intention du Griffon toujours royalement installé. La silhouette divine se matérialisa à quelques mètres au-dessus du nouveau demi-dieu, fière et imposante de charisme, menaçante derrière l'aspect guerrier que lui conférait le surplis du Sommeil. La première évidence moyennement stupéfiante que constata Hypnos fut qu'Alessio porte désormais lui aussi une version divine de son surplis. Qu'à cela ne tienne, le fils de Nyx n'allait pas prendre de gants maintenant qu'il ne s'adressait plus à un sbire inférieur mais un être capable de rivaliser avec lui voire même de le supplanter !

Cela faisait longtemps, n'est-ce-pas mon cher Alessio ?! Depuis combien de temps n'ai-je plus eu la chance d'entendre le son de ta voix, voir de mes propres yeux ton apparence surfaite et tes mimiques travaillées ? Je suis navré de constater que d'autres auront eu la chance d'en profiter, mais aussi heureux d'assister en avant-première à l'éveil d'un être ayant atteint sa quintessence... quelle perfection que voici ! As-tu quoique ce soit à dire pour justifier pareil éclat ou un sujet de conversation quelconque ? Avant que je ne perde patience et ne cherche de réponses seul !


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Dernière édition par Hypnos le Ven 20 Sep 2013 - 12:36, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Naître et mourir. [PV]   Naître et mourir. [PV] EmptyDim 1 Sep 2013 - 7:05


Juché sur son trône, Alessio gardait les yeux rivés sur le plafond, pour ainsi dire seul rescapé de ce carnage que rien n'aurait pu arrêter. La pièce était dans un triste était, c'était le moins qu'on puisse dire ; pour autant, c'était un maigre prix à payer pour ce qu'il en avait tiré et qui pourrait fort bien lui permettre d'en faire de même avec son épingle dans la foulée. Demi-dieu, rien de moins, voilà ce qu'il était désormais. Tragique constat qui n'était pas pour le réjouir, il fallait bien l'avouer, car c'était là – sans grande surprise – quelque chose qu'il aurait préféré éviter. N'ayant point les dieux en haute estime, pour ne pas dire que la plupart ne méritaient que son mépris, avoir du en devenir un lui-même s'avérait quelque peu contre-productif – et contrariant, encore que le terme soit loin de la vérité. Tellement que c'était à peine s'il se contentait de l'effleurer.

Contre mauvaise fortune bon coeur, toutefois, ne dit-on pas ? Et si froid que puisse être le sien, il s'y tiendrait désormais, car la chance n'allait pas tarder à lui sourire – il l'aurait en tout cas volontiers parié. L'état d'extrême plénitude dans lequel il était plongé depuis son retour à cette triste réalité n'en finissait plus de le fasciner. Ce doit être là ce qu'on appelle le calme olympien, songea-t-il non sans un brin d'ironie, avant de se redresser sur son siège pour mieux observer son gantelet. Il n'était pas le seul à être sorti changé de cette expérience aussi intéressante que traumatisante, et dont il ne savait encore s'il devait ne la souhaiter à personne ou à l'inverse la recommander à qui voulait bien l'entendre.

Car si l'inéluctable et prévisible conclusion était révoltante pour lui à n'en point douter – alors que d'autre y auraient vu le plus insigne honneur qui puisse exister – le procédé qui lui avait permis d'y accéder restait d'une exquise prospérité. La richesse de ce moment aurait aussi bien pu être ce de quoi étaient forgées leurs armures qu'il n'en aurait guère plus été étonné. Nul besoin pour lui de s'y attarder toutefois, pouvant amplement se satisfaire de celle qu'il portait déjà – même si elle n'était désormais plus telle qu'il l'avait endossée autrefois. Si les raisons qui l'avaient poussée à changer de forme ne le réjouissaient guère, il devait avouer prendre un certain plaisir à se dire qu'elle était ainsi à cause de lui et ne lui avait jamais autant appartenu qu'au jour d'aujourd'hui. La vérité, en quelque sorte, même si ce n'était pas forcément l'angle à privilégier.

Noyé dans les volutes de fumée de sa propre cigarette, il se laissait aller à un élan de félicité. Cette métamorphose avait eu le mérite de balayer toute inquiétude du fond de son âme éthérée pour n'en plus rien laisser. Soulagé serait un bien trop grand mot, mais pour autant il était difficile de davantage se rapprocher de la réalité. Si ses doutes et ses soupçons étaient toujours bien présents, tout du moins pouvait-il relativiser. Après tout, devant lui, n'y avait-il pas rien de moins à présent que toute l'éternité ? L'ombre d'un sourire passa sur ses lèvres à cette pensée. S'il goûtait déjà aux joies de l'immortalité, au moins était-il certain désormais que jamais plus celle-ci ne pourrait être menacée.

Ce n'était cependant pas une victoire – pas encore, tout du moins, et la considérer ainsi aurait été une erreur. Ce n'était qu'un pas en avant, mais l'horizon était encore loin. Et s'il voulait un jour voir le bout de ce trajet, il n'était nullement question de se reposer en s'arrêtant sur le bas-côté. À peine avait-il eu le temps d'y songer que déjà le point qu'il fixait était en train de s'estomper pour finalement s'effondrer, comme avalé par les cieux infernaux tout à coup affamés. Une fringale dont il ferait lui aussi l'objet quelques instants après sans en être le moins du monde effrayé. Cela n'était rien à côté de ce qu'il venait de traverser, rien à côté de tout ce qu'il avait subi depuis qu'il avait recommencé à exister. Il avait vu tant de choses que les mortels ne pourraient pas même voir sans en perdre la raison que de tels phénomènes lui paraissaient banals désormais. Et compte tenu de sa nouvelle nature, n'était-il pas de toute façon de rigueur de s'y habituer ?

La seule chose qu'il fit fut de se caler confortablement contre le dossier de son trône. Cela ne parut lui poser aucun problème en dépit de l'envergure de ses ailes renouvelées, leur majesté accrue ne semblant cependant pas le gêner pour se positionner. S'en était-il seulement aperçu pour l'heure ? Qui sait. Il y avait encore tant de choses avec lesquelles il lui fallait se familiariser qu'il serait fort peu aisé de savoir par quoi commencer. Pour autant, d'un oeil extérieur, l'on aurait pu croire sans peine qu'il s'y était déjà parfaitement habitué tant l'assurance qui se dégageait de lui était dense – bien plus encore qu'à l'accoutumée. Le Juge du Griffon – mais l'était-il encore ? - ne modifia pas un seul instant sa position, attendant de voir quelle serait sa « destination ». Celle-ci ne fut pas longue à se profiler avant de se dessiner pour de bon, lui laissant entrevoir par qui il avait été appelé par la même occasion.

Mes hommages, seigneur Hypnos. C'est un honneur de vous recevoir. Je ne vous attendais pas de si tôt, mais soyez sûr que c'est un réel plaisir pour moi de vous savoir à nouveau parmi nous. Veuillez excuser le triste état de mes appartements... Il désigna l'espace autour de lui d'un large geste de la main comme s'il était toujours en plein coeur d'une Anténora dévastée. J'ai, comme vous semblé l'avoir deviné, du faire face à quelques désagréments. Si j'avais su que vous veniez, soyez assurés que j'aurais pris le temps de faire un peu de rangement. Je ne voudrais pas que vous regrettiez de vous être dérangé.

Son sang-froid à toute épreuve et sa confiance en soi désarmante avaient toujours été des atouts pour l'Étoile de la Valeur, mais ce n'avait jamais été autant le cas qu'en ce jour. Était-ce de s'être changé en entité supérieure qui ne faisait que renforcer ce qui faisait déjà bien souvent la peine et le malheur de ses détracteurs ou bien n'agissait-il ainsi que parce qu'il venait à peine d'achever ce laborieux procédé ? Il était encore trop tôt pour le déterminer, mais si le premier cas devait être d'actualité, ses ennemis n'auraient alors pas fini de trembler. Ce n'est qu'après avoir prononcé ce discours d'accueil que le Juge se leva de son siège pour ensuite le voir s'effriter et disparaître à son tour dans les méandres de cet étroit espace entre les mondes.

Ainsi le Dieu du Sommeil eut-il tout le loisir d'observer un Surplis du Griffon fraichement rénové, aux lignes élégantes et aux courbes soignées, dont les gravures et les arabesques s'étaient faites légions avec une magnificence jusque là incontestable et incontestée. Ce résultat ne devait pas être fort éloigné de ce que certains se plaisaient à nommer l'armure divine – et à bien la regarder, Alessio ne voyait plus tant de différence entre sa protection et celle dans laquelle le Marchand de Sables avait toujours paradé, aussi loin qu'il puisse s'en rappeler. Qui plus est, le Surplis semblait épouser à la perfection sa silhouette fine et élancée, vivre et respirer en parfaite osmose avec elle et par conséquent lui offrir une résonance encore inégalée. S'il avait su que cela lui serait à ce point bénéfique, peut-être serait-ce plus tôt qu'il s'y serait risqué.

Car en l'état, et même s'il ne doutait pas que cela finirait par retomber – et lui par voir cela d'un point de vue plus modéré – sa force n'en était pas moins démultipliée. L'état dans lequel il avait laissé son palais avant que le fils de Nyx ne le fasse se volatiliser pouvait amplement en témoigner. Bien que ce fut en toute théorie la première fois qu'il mettait les pieds dans l'hyperdimension, rien ne laissa penser qu'il pouvait en être impressionné – et intimidé encore moins. C'est à peine s'il daigna à regarder, comme si tout cela n'avait déjà pour lui plus le moindre secret. S'y serait-il déjà essayé ? Chose fort complexe que de le deviner, d'autant plus que comme le Gardien des Rêves avait déjà pu le vérifier, ses obscurs secrets étaient bien gardés. Tandis qu'il se présentait devant lui, dressé de toute sa hauteur, Alessio eut à la main la carte du Tarot Infernal que le Jumeau Doré lui avait autrefois confié.

Celle de la Fourberie, odieux mais ô combien pertinent présage que voici. Soigneusement conservée, elle l'avait toujours été, mais d'où était-elle sortie - et à quel moment surtout avait-elle refait surface entre ses mains impies ? En apparence bien plus intéressé par l'objet qu'il n'aurait pu et du l'être par son environnement, l'ex-légionnaire ne fut toutefois pas long à se reconcentrer sur son vis-à-vis. Ce n'était pas tous les jours que l'on  recevait un invité de marque, et le décevoir était bien la dernière chose qu'il pouvait souhaiter. À plus forte raison que le voir augurait de la concrétisation de nombre d'idées, pourvu bien sûr qu'il accepte de coopérer. De par ses anciennes affectations, le marionnettiste avait toujours été uni au Dieu du Sommeil par un lien particulier. Tout ce qu'il pouvait escompter était que ces quelques années d'un repos forcé ne l'aient pas altéré.

Je vous aurais bien proposé du thé, ou tout autre breuvage qui aurait pu convenir à vos divines papilles, mais je crains de ne pouvoir vous le fournir en état, quelle que puisse être ma bonne volonté. Vous m'en voyez navré et espère que vous saurez me pardonner, je tâcherai bien entendu d'y remédier avant la prochaine fois où vous daignerez me faire l'honneur de vous inviter en ma modeste demeure.

Ainsi avait-il continué, fort de ce ton flegmatique qu'absolument rien n'aurait pu ébranler. Encore et toujours, il continuait d'agir sans tenir compte du fait qu'il se trouvait au beau milieu d'une singularité qu'il était supposé n'avoir jamais vu par le passé. Mais était-ce seulement la vérité ?

Pour vous répondre, je suppose qu'on peut dire qu'un accident malencontreux m'est arrivé et qu'on m'a tendu une main secourable qui a eu sur moi plus d'effet qu'elle n'aurait pu l'espérer. Ce sont des choses qui arrivent, bien que j'en sois le premier étonné. Mais comme vous le dites si bien, cela fait fort longtemps que nous ne nous sommes vus, je suis on ne peut plus ravi de vous retrouver. Il me semble que je n'avais pas même encore revêtu ce Surplis la dernière fois que nous nous sommes aperçus, et avant que vous ne reveniez, le voilà transformé ! Mais peut-être était-ce calculé ?

Cette question futile resta en suspens de longues secondes durant, où le Juge du Griffon en profita pour toiser son interlocuteur de ce regard inquisiteur que celui-ci lui connaissait bien. Après tout, n'avait-il pas été le premier à y déceler l'éclat hypnotisant d'une sombre ambition ? Aujourd'hui, même lui serait fort en peine d'y lire quoi que ce soit car son attitude ne reflète plus rien, sinon ce qu'il veut bien refléter. Il est un miroir et se plait à faire miroiter ce que chacun a envie d'y voir – un piège contre lequel même une divinité n'était pas forcément immunisée. En un sens, peut-être était-ce justement d'être si horriblement conciliant qui faisait tout le mystère, toute l'aura de ce personnage complexe que nul ne peut se vanter d'avoir jamais réussi à cerner – quelle que soit l'ampleur de l'expérience à ce sujet dont ils puissent se vanter.

Pour l'heure, le Dieu du Sommeil était le seul que ces pupilles dorées ne cessaient de fixer. Son apparence était restée la même mais cela ne voulait rien dire ; les dieux étaient changeants, versatiles, et qu'il soit toujours le même ne voulait point affirmer que sa mentalité d'autrefois demeurerait. Et c'était précisément ce qu'Alessio se mettait en but de vérifier. Les divinités n'étaient jamais ou que trop rarement deux fois les mêmes à moins qu'on ne sache les y amener – ce qui n'était que rarement à la portée d'un mortel, il fallait bien l'avouer. Mais mortel il n'était plus désormais, maintenant encore moins que jamais,  et il se faisait lentement mais sûrement à l'idée que de par la complexité qui y était étroitement liée cette condition était peut-être finalement celle qui lui était la plus adaptée. La carte qu'il manipulait encore jusque là se coinça entre deux de ses doigts.

Je fus fort attristé d'apprendre que vous nous aviez quittés. Qu'un personnage de votre envergure doive se retirer pour se reposer, je ne pouvais l'imaginer. C'est dire s'il me plait de savoir que vous en avez fini de cette sieste improvisée. J'irais même jusqu'à dire que votre retour tombe à point nommé. Puisque vous m'y exhortez, je ne vais donc pas m'en priver. J'ignore si le moment est bien choisi puisque je présume qu'ils n'ont pas encore eu le temps de revenir à leur apogée, aussi, si ma question est déplacée, je vous prie de m'en excuser, mais vos pouvoirs seraient-ils en mesure d'affecter une autre divinité ?
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MessageSujet: Re: Naître et mourir. [PV]   Naître et mourir. [PV] EmptyLun 2 Sep 2013 - 18:58

Sa première impression sur l'attitude du Juge fut saisissante, autant tout chez lui corroborait les souvenirs qu'il en avait autant il ne reconnaissait presque plus son cosmos. C'était comme si le corps du Griffon servait d'hôte à un dieu qui s'en imprégnait comme une nouvelle peau. Il ne sembla même pas étonné de se retrouver au beau milieu de l'espace où seuls les dieux y sont accueillis. Tant d'assurance, de prestance et de charisme ne pouvaient venir que d'un être capable de ressentir l'univers dans son essence la plus éthérée; même Alessio ne pouvait y rester insensible. À voir de plus près, son surplis le couvrait maintenant comme redimensionné sur mesure pour lui avec tout un plan de motifs traçant divers arabesques et glyphes divins. Dans sa pose majestueuse, il se donnait l'air d'un Roi recevant un simple ambassadeur -paradoxalement, plus haut élevé que lui dans tous les sens du terme- au pied de son trône. Ce comportement-là, Hypnos ne le connaissait que trop bien pour s'en offusquer car après tout, Alessio s'en targuait ouvertement depuis son affectation en tant que spectre. Le voir poser des airs distingués sur plus supérieur que lui était prévisible, à vrai dire la déité ne s'y attendait même pas et en ce sens le Griffon le rassurait. L'Humilité et la Franchise ne sont pas des qualités qu'Alessio pourra un jour exhiber, tout chez lui n'est qu'apparat poussé à l'extrême.

Silencieux pour toute réponse, le fils de Nyx ne daigna pas saluer Alessio en retour. Pour être franc, il avait écouté sans y prêter attention, tout ce qu'il faisait est d'analyser le moindre geste, le moindre acte, la moindre mimique capable de trahir ce fichu comédien d'opérette. Son flux vital n'avait plus rien d'humain, transfiguré par une alchimie que seul un composant divin aurait pu amorçer. Des pieds à la tête, que ce soit son surplis ou son corps, le mouvement de ses lèvres et paupières ou encore ses allures foncièrement théâtrales. Hypnos devait se rendre à l'évidence, tout son être oscillait entre l'homme et le divin dans une harmonie quasi-absolue. Par quel miracle ou plutôt quelle malveillance, Alessio avait-il bien pu réussir à atteindre un tel résultat ? À l'entendre lui débiter ses incessants boniments, nul doute qu'il allait devoir lui tirer les vers du nez. Lorsqu'il daigna enfin quitter son siège pour imposer une certaine magnificence aux yeux du Sommeil, il aurait été mensonger d'affirmer que ce n'est comme toujours que de la mise en scène. Alessio venait d'effectuer symboliquement un pas de géant pour l'homme sur une petite marche pour les dieux, en conséquence, Hypnos allait lui accorder un crédit par respect d'égalité.

Que pouvait-il bien avoir en tête cependant ? Comptait-il fomenter un soulèvement contre sa majesté Hadès ? Réduire le Sommeil au silence s'il tentait de l'en empêcher ? Il en serait bien capable tel qu'on le connaît, au fond il ne semble pas avoir changé intrinsèquement mais il a incontestablement évolué pour devenir une menace à ne surtout pas sous-estimer. Thanatos aurait depuis un bon moment fait éclater et s'exprimer tout son courroux envers autant d'outrecuidance, mais Hypnos voyait là quelque chose de beaucoup trop inestimable pour être gâché aussi bêtement que par un ego de dieu offensé. Alessio et lui sont faits pour s'entendre sur bien des points, leur qualité la plus précieuse, celle qui les a liés du premier regard: la Ruse. Tous les deux privilégient la réflexion et la prudence avant toute manoeuvre, prévoir dix coups d'avance pour engager un pion que Thanatos sacrifierait d'entrée de jeu et sans état d'âme. Les Échecs et le Tarot sont leurs domaines de jeu en grandeur nature, et Alessio lui dévoila une bien agréable surprise, un cadeau qu'il aurait juré négligeable pour un spectre normal. La carte de la Fourberie, maîtresse par excellence du destin de ce cher Juge du Griffon, était toujours en sa possession. Incroyable comment de tels tours de prestidigitation pouvaient réjouir un dieu au point de lui arracher un sourire amusé, Alessio du Griffon... espèce de vil manipulateur, infâme tricheur à l'esprit retors et perfide.

Au moment où ce dernier allait encore de son timbre mielleux s'excuser de son manquement grave au protocole de maison, démontrant encore tout son mépris caché pour autrui peu importe sa nature. Hypnos descendit à sa hauteur et le défia de sa hauteur qui n'avait rien à envier à celle qu'il eut acquise par quelques obscures méthodes; bien qu'on y entrevoit là un larcin de lèse-divinité. Les iris dorées observèrent d'un calme relativement froid ce grand escogriffe incapable de présenter un préambule simplement sans le ponctuer d'apparat. Quel bien étrange cadre que celui-ci... deux êtres singuliers en plein monologue à sens unique au beau milieu d'un décor cosmique surréaliste; et encore, si seulement le sujet tournant autour d'une pseudo-bienséance de salon ne s'efforçait pas à rendre l'instant encore plus risible qu'il ne le fut. Pourtant, la face jusque-là glaciale du père des songes retrouva un semblant d'intérêt aux paroles du marionnettiste... un malencontreux accident ? Une main secourable ? Essayait-il de le duper en suggérant qu'une divinité lui aurait faite don de son ichor pour le sauver de circonstances dites périlleuses ? Et même si c'était vrai, quel dieu pourrait bien s'y risquer sans mûrir quelques desseins comme ceux d'Hypnos à l'égard d'Elicia ? Autant écarter Thanatos des suspects d'office, Hadès ou Perséphone seraient-il alors responsables ? Possible, mais Hypnos ne pouvait se départir d'un pressentiment de mauvais augure. Leur Reine pouvait avoir désertée les Enfers pour bien d'autres raisons concernant son ténébreux époux !

Je te le concède, bien des choses semblent avoir changées depuis tout ce temps. Positivement ou non, comme je le disais certes aussi élogieusement exagéré que ta propre prose, l'éclat que tu revêts en ce jour attise ma fascination. Mais je t'avouerai qu'aucun calcul de ma part ne s'est glissé dans cette équation que le sort s'est évertué à poser contre moi. Si je suis ici aujourd'hui, c'est que l'occasion tant attendue s'est tout simplement présentée !


La contenance dont faisait preuve son interlocuteur était déconcertante, il n'avait plus rien à voir avec le bellâtre trop sûr de lui encore sous le surplis du Djinn. Chacun de ses gestes était calculé, non par une spontanéité humaine mais par une volonté divine, tout ce que l'on peut y voir en surface est ce que le Griffon désire montrer dorénavant. Si cela n'est pas la preuve ultime de sa forfaiture, le fils de Nyx pouvait bien retourner dormir céans. Reste maintenant à en découvrir les tenants et les aboutissants, Alessio ne laissera rien filtrer d'autre malheureusement car il se doutait bien que la réaction d'Hypnos pouvait lui être défavorable dans le pire des cas. Ce personnage avait le don de l'agacer fortement tout en éveillant chez lui une curiosité insatiable, il allait devoir veiller qu'Hadès ou Thanatos ne réclament pas un jugement à son encontre avant qu'il n'ait pu rassembler plus d'informations compromettantes ou non. Le temps leur est compté et Alessio marchait désormais sur la corde raide, il ne pouvait pas ignorer que sa nouvelle condition l'exposera à la réprobation des dieux chthoniens voire encore le conseil des olympiens.

Du haut de sa noble stature, le dieu du sommeil continuait de fixer neutralement son vis-à-vis dans un silence religieux mais lourd de sens. Alessio pourrait-il soutenir ce contact visuel encore longtemps ? Aucun mortel ne peut contempler une entité divine sans se sentir pathétiquement inférieur et fuir du regard, mais l'ancien Djinn n'avait vraiment plus rien en commun avec les mortels qu'une vague origine de naissance. Ce défi du regard que les dieux se lançent un peu comme chez les mortels ne jaugeait pas la psychologie de l'autre mais son essence bien au contraire, les immortels n'ont aucune raison de se perdre dans les orbes oculaires de l'autre si ce n'est pas pour le sonder. Tout ce qu'Hypnos put y voir par contre, fut un mur savamment édifié à l'image du mur des lamentations, Alessio était lui aussi sur ses gardes et ne se gênerait pas pour expulser le serviteur d'Hadès s'il tentait d'envahir sa psyché. Comme si de rien n'était, le Griffon cessa de faire jongler sa carte entre ses doigts et reprit de plus belle son apologie mal placée. Le visage d'Hypnos perdit petit à petit son sourire alors que le demi-dieu en arrivait à lui demander en fin de compte si cette longue période de « repos forcé » n'avait pas amoindri ses capacités.

Il suffit maintenant, Alessio ! Je ne suis point d'humeur à me montrer complaisant pour si peu, surtout lorsque je m'aperçois que ton rang au sein des armées d'Hadès menace d'être compromis. T'attendais-tu à des ovations peut-être ? Si mon retour s'annonce de bon augure pour toi alors libre à toi d'en profiter, mais songe que ce que je vois en cet instant est tout sauf une bonne nouvelle pour leurs majestés. Recevoir le sang d'un dieu revient à t'émanciper de notre autorité d'une manière que bien des dieux jugent taboue. Et n'aie crainte, mes pouvoirs sont toujours aussi efficaces car jamais homme ou dieu ne peut trouver le sommeil sans en passer par moi. Tu n'ignores sans doute pas que même Zeus ne peut y échapper... J'exige que tu me narres la stricte vérité, tu n'as d'ailleurs jamais été en position de t'y soustraire !


Le cosmos de la déité résonna dès lors à travers toute l'Hyperdimension, puis le décor s'abîma dans une distorsion qui transporta les deux êtres dans le plan astral du Monde des Rêves. Certes, l'enceinte de Morphia serait plus propice à la discussion que cette anomalie dimensionnelle et si il y a bien un seul endroit où l'on peut rendre un dieu plus fléxible c'est bien là où son âme ne peut que trouver le repos. Le défilement des strates oniriques finit par se stabiliser, devant l'arc même des songes d'Alessio, ici ils allaient pouvoir discuter sans être dérangés. Si le Griffon désire quelque chose ils auront tout le temps d'en débattre autour d'une meilleure ambiance, aussi Hypnos fit apparaître deux grands fauteuils ainsi qu'un échiquier de grande valeur. Aussitôt cela fait, Hypnos retira la protection de son surplis instantanément et prit place dos tourné à la porte des songes reflétant toujours la cause principale de son mécontentement. Sans attendre une seule exclamation de son nouveau « partenaire de jeu », Hypnos avança un pion blanc qui se matérialisa sur un échiquier grandeur nature. Un sourire moqueur vint renforcer l'expression maligne du Sommeil, Alessio sera-t-il un fieffé menteur de mauvais goût pour affirmer ne pas apprécier les défis à la hauteur d'un dieu ? Ou suivra-t-il sans rechigner ce que lui hurle son orgueil proverbial ?

Prends donc un siège, cet endroit est comme une seconde maison pour toi désormais. Ton esprit y sommeillera comme celui de n'importe quel dieu ou mortel de grande ascendance scellé, mais pour garder ce privilège il te faudra conserver mon soutien. Je prends la main avec les blancs, si je suis mis échec et mat alors tu seras dans ton bon droit de réclamer ma protection inconditionnelle. Si, au contraire, c'est toi qui essuie une défaite alors tu devras tout me divulguer sans rien objecter. Acceptes-tu mon offre ?




Dernière édition par Hypnos le Ven 13 Sep 2013 - 14:38, édité 1 fois
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Alessio
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Alessio
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MessageSujet: Re: Naître et mourir. [PV]   Naître et mourir. [PV] EmptySam 7 Sep 2013 - 5:25

Pas la moindre bribe de nervosité n'émanait de la haute stature d'Alessio. Quelle raison aurait-il eu d'être sur la défensive en présence d'un ami ? Oh, certes, le Dieu du Sommeil était un rien fébrile lui aussi, mais rien qu'il ne sache dissiper. Il était vrai que si lui-même considérait la chose d'un tout autre oeil, ce qui venait de lui arriver pouvait passer pour un événement aux yeux de ceux qui partageaient avec lui la douceur de cet infernal foyer – quand bien même le tour de magie de la divinité les en avait quelque peu éloignés. Heureux ou non, cela restait encore à déterminer. Et si le Juge du Griffon n'aurait aucunement pu se douter de sa visite, ignorant même jusqu'à il y a encore un instant qu'il s'était finalement réincarné, cela ne l'empêchait pas de l'accueillir à bras ouverts.

S'il lui fallait réellement être proche d'une des quatre déités régissant les Enfers, celle à qui irait sa préférence se tenait devant lui. On pouvait certes parler de sa relation avec Perséphone, mais celle-ci reposait avant toute chose sur un coup du sort ; c'était le fruit du hasard. À l'inverse, son lien avec le Jumeau Doré était inné, preuve en était faite de sa première incarnation en tant que Spectre sous l'Étoile Céleste du Rêve. Aussi ne pouvaient-ils que s'entendre, et ce même si la méfiance que son vis-à-vis avait à son égard était à cet instant presque palpable. Et pour cause car Alessio ne comprenait que trop bien les raisons pour lesquelles le Marchand de Sable en avait été électrisé. Ce n'était pas tant son accession au rang divin qui lui posait problème, loin de là ; c'était certes une chose qui n'aurait pas du se produire mais le fait était que cela avait été le cas.

Et le Juge était prêt à parier que son interlocuteur aurait presque pu accueillir cette nouvelle avec le sourire à condition qu'il ait pu le prévoir. Car c'était là toute la raison de son effervescence à son sens ;  de n'avoir pas pu anticiper ce qui venait de se passer. D'en ignorer la cause et de devoir se contenter de la conséquence, sans rien connaître non plus du processus qui avait amené de l'un à l'autre en dehors des folles théories qu'avait pu élaborer son esprit plusieurs fois millénaire, sans jamais pouvoir être sûr qu'aucune d'elle soit la bonne. Car oui, ce qu'ils avaient en commun par-dessus tout, c'était le goût de la chose bien faite, du plan qui se déroule sans accroc du début à la fin. Une maille mal agencée dans le destin qu'il s'efforçait de tricoter de son mieux, comme lui et son alter ego le faisaient depuis la nuit des temps.

Le moindre impondérable était à son sens une erreur de parcours qu'il fallait corriger au plus vite – ou tout du moins raccommoder de sorte à ce qu'elle intègre convenablement le déroulement tel qu'il l'avait prévu au départ. Et si c'était là un trait caractéristique de son frère également, ce dernier manquait parfois de subtilité au point de négliger des détails qu'Hypnos pourrait voir au premier coup d'oeil. Oui, il brûlait de connaître la vérité, sans rien en cacher... Et c'est ce qui allait le perdre, à n'en pas douter.  Alessio ne le quittait pas des yeux, le dévisageant avec insistance, d'un côté pour ne pas lui faire croire un seul instant qu'il comptait détourner le regard, feignant une transparence qu'il n'aurait jamais. Oui, il avait le dessus dans cette conversation, un avantage qu'il n'entendait pas délaisser. Ce n'est pas tous les jours qu'un modeste humain – comme il le restait au fond – peut voir un dieu danser dans la paume de sa main...

Partant de là, quelle raison aurait-il eu de se montrer moins confiant ?

Il l'avait accueilli chez lui – en si piteux état que soit l'endroit – et avec la plus grande politesse malgré une arrivée inopinée, et n'en avait nullement été dérangé. C'aurait plutôt été de se comportement autrement qui aurait pu porter à confusion, à plus forte raison que le Gardien des Rêves était l'une des premiers à l'avoir vu arpenter les Enfers lorsqu'il avait enfin quitté les profondeurs du Lac de Sang. Pour quelles raisons il y baignait, il ne s'en souvenait plus ; sa vie terrestre n'était désormais plus qu'une vaste ombre au fond de son subconscient, un voile que jamais plus il ne voudrait – ne pourrait – lever. Personne ne le pourrait.

Pour lui, tout se passait on ne peut mieux ; il n'allait pas non plus s'en excuser ! Quelle raison aurait-il eu d'être honteux ? Ce n'était de toute façon pas comme s'il avait vraiment eu le choix... Divin ou pas, il restait égal à lui-même ; ce n'était pas de se sentir un peu mieux dans sa peau qui allait y changer quoi que ce soit. Non, ce n'était qu'un détail. Une nuance infime. Une légère bifurcation en travers de la voie qu'il avait choisi d'emprunter. Rien ne changeait. Car son âme était toujours ce qu'elle était, et que même si elle s'en était trouvée sublimée, sa nature profonde ne pouvait en être altérée. L'on pouvait même dire qu'elle en avait été affirmée, renforcée, si c'était encore seulement possible.

Car force était de constater que si Perséphone avait eu espoir de l'éloigner, elle s'était lourdement trompée. Lui qui, ces derniers temps, manquait cruellement de divertissement avait désormais un but à accomplir, une idée claire en tête qu'il ne demandait qu'à concrétiser. Oui, en ce jour plus qu'en tout autre, il était déterminé. Et, de sa part, c'était là, à choisir, le meilleur ou le pire qu'on puisse espérer. Tout ne faisait encore que commencer. Et alors qu'il faisait tourner la carte entre ses doigts, le pouce et le majeur la manipulant avec adresse, il n'avait qu'une seule chose en tête : lui faire savoir que la partie était encore loin d'être jouée. Car les règles sont faites pour être transgressées.

Combien de temps cela fait-il ? Dix ans, peut-être ? Quinze ans déjà ? Cela fait bien longtemps que j'ai perdu la notion du temps. N'avoir plus de comptes à lui rendre n'aide pas à s'y intéresser, je dois bien l'avouer. Toujours est-il que c'est un bonheur de vous avoir à nouveau parmi nous. Je n'ai eu de cesse de déplorer votre absence au cours de ces années écoulés, je suis persuadé qu'il y a nombre de nos petits jeux auxquels vous auriez souhaité participer. Ainsi donc, si ma condition a su vous attirer jusqu'ici, j'en suis fort aise. Occupé comme vous le serez sans doute d'ici peu à vous mettre à la page, qui sait quelle éternité aurais-je du attendre pour vous revoir si je ne vous avais pas attiré ici comme la flamme d'une bougie ? Heureuse coïncidence, vraiment ! Quand bien même je dois avouer ne pas penser mériter tant d'importance...

Oui... Ce n'était après tout qu'une bagatelle. Qu'une broutille. Son essence même était peut-être un peu plus pure, plus noble, mais il n'en restait pas moins d'une noirceur si dense que nul ne pouvait voir au travers. Un rideau de ténèbres. Un voile opaque et impénétrable que cette brusque montée en puissance n'avait fait que renforcer. S'il avait autrefois des failles, celles-ci n'étaient plus qu'un lointain souvenir à présent. Processus irréversible de surcroît, grand bien lui fasse : cela lui ferait d'autant moins de choses à penser et donc d'autant plus de places pour cogiter. Et maintenant que son esprit était apaisé, il n'avait plus aucune raison de se brider, à plus forte raison que sa pensée était définitivement devenu une propriété privée.

Personne ne pourrait plus lire en lui sans qu'il le veuille bien, et inutile de dire que ce serait alors à dessein. Forcer les barrières de son esprit n'était plus à la portée de personne. Pas tant qu'il resterait sur ses gardes. Car il avait désormais la force de vivre pleinement ses ambitions. Son esprit était cerné par l'obscurité, retranché derrière le mur des ombres. Il voyait très clair, mais était seul à pouvoir le faire. Car ces remparts ne tomberaient jamais plus maintenant qu'il les avait dressés pour parer à toute éventualité, car ils étaient solidement gardés par la seule personne en laquelle il puisse pleinement avoir confiance : son humble personne. Par conséquent, quoi qu'il puisse vouloir obtenir de lui, Hypnos devrait passer par la voie verbale : s'il ne servait déjà à rien de tenter de convaincre Alessio par la force, ce n'avait jamais été aussi vrai qu'aujourd'hui.

Car là où il aurait autrefois contourner un étau un brin trop étouffant, il pouvait à partir de maintenant se faufiler au dehors comme un serpent.  Que le Dieu du Sommeil tente seulement de l'écraser de quelque manière que ce soit et il lui filerait entre les doigts. Le seul biais par lequel il puisse passer était une discussion civilisée – ou au moins qui en aurait l'aspect. Autre chose de la part d'Hypnos n'aurait pas été sans le décevoir, il n'allait pas s'en cacher, mais il doutait d'en arriver à cette extrémité. Sait-on jamais. La carte voltigea une dernière fois entre ses doigts avant de disparaître comme par enchantement. Oui, Thanatos était infiniment plus prompt à la colère et à l'emportement que ne le serait jamais son jumeau, mais l'état d'ébullition dans lequel était entré celui-ci avant même de venir le voir le rendait plus imprévisible qu'il ne l'aurait été autrefois.

Non que l'Étoile Céleste de la Valeur en soit incommodée le moins du monde, comme le prouvait son attitude décontractée qu'absolument rien n'aurait pu ébranler. Depuis qu'il s'était réveillé de ce rêve, il avait le sentiment... De pouvoir tout réussir. Une limite qui n'était déjà plus que très peu présente dans ses machinations venait d'être brisée à tout jamais. La ligne qui séparait l'humain de divin, le génie de la folie avait été effacée pour ne plus laisser que lui seul en guise de produit. Il pouvait aller où bon lui semblait, être qui il voulait. Il en avait le pouvoir. Parlant de pouvoir, le Sommeil avait été prompt à lui dire ce qu'il en était des siens non sans faire preuve d'une grandiloquence fort à propos ; et bien qu'il n'ait pas été déçu de la réponse,  le Spectre n'avait pas l'air pressé de lui répondre, se contentant d'un humble sourire en coin pour l'essentiel.

Si je vous ai contrarié, bien que je n'en connaisse pas les raisons, j'en suis navré. Loin de moi l'idée de vous mécontenter sitôt après que vous vous soyez réveillé, c'est sans nul doute quelque chose que moi-même je n'ai que peu de chances d'apprécier. Allons bon, pourquoi donc ma position devrait-elle être remise en cause ? Je pense au contraire que c'est une merveilleuse nouvelle, nos armées n'en sont-elles pas d'autant renforcées ? Vous imaginez bien que si l'on a pris la peine de me faire don d'un tel cadeau, ce n'est pas pour courir le risque que je me retourne contre mon bienfaiteur...

Quant à savoir qui était celui-ci, Hypnos n'en saurait rien. Car si appréciable que puisse lui être sa compagnie, il ne lui devait rien. Et Alessio n'était pas homme à donner les choses gratuitement, à plus forte raison quand on semblait n'avoir d'autre hâte que de lui arracher de force les mots de la bouche. Alors que la divinité semblait avoir toutes les peines du monde à concilier l'ensemble des émotions contraires qui se bousculaient en son for intérieur. Défiance, curiosité, laquelle primerait au bout du compte ? Le seul moyen de le savoir était de pousser plus avant cette discussion. À plus forte raison qu'après tout ce temps et en ces conditions, les choses qu'ils pouvaient avoir à se dire ne manquaient pas. C'est pourtant sans empressement que le marionnettiste poursuivit le soliloque  qu'il lui adressait, aussi naturellement que s'ils conversaient à bâtons rompus autour de la tasse de thé précédemment proposée. La tension était à sens unique jusqu'à présent. Pourquoi la laisserait-il s'emparer de lui alors que tout jusque là le donnait gagnant ? Mais d'un autre côté, quel intérêt à jouer quand on était sûr de gagner ?

Le Surplis que je porte est toujours celui du Griffon, même si, je vous l'accorde, il a subi quelques petits changements. Je n'y suis d'ailleurs pour rien, je n'avais rien demandé, même si je dois dire ne pas en être réellement dérangé. Et puis même si j'avoue ne pas rentrer bien souvent, vous n'êtes pas sans savoir que je me sens bien mieux ici qu'ailleurs. Il serait fâcheux pour moi de ne plus pouvoir y revenir alors que c'est le seul endroit que je considère comme ma demeure. Et j'avoue être attristé que vous vous sentiez le besoin d'user d'autorité avec moi. Nous sommes amis, n'est-ce pas ? Et votre amitié a toujours compté pour moi. Il serait dommage que des questions de hiérarchie viennent s'en mêler, vous ne croyez pas ?

Son sourire s'agrandit furtivement. Tout à sa tirade, Alessio s'était laissé guider par le destinataire de ces paroles presque trop douces même pour une discussion amicale. Ainsi donc celui-ci voulait lui faire visiter son domaine ? Pourquoi pas. Le Griffon n'avait jamais eu l'opportunité d'y mettre les pieds. Il était vrai que son nouveau statut lui donnait accès à des recoins qui pour lui étaient encore inexplorés et qu'il ne manquerait pas de découvrir avec un intérêt sans cesse renouvelé. On veut toujours ce qu'on ne peut avoir, aussi n'était-il plus question de s'en dispenser. C'était à sa portée dorénavant, n'en déplaise à son hôte. Il ne cilla pas quand le Maître des Songes laissa parler son cosmos, laissant le sien s'exprimer en retour alors que l'une de ses ailes se refermait sur lui en guise de bouclier. À défaut d'être affecté par cette poussée, au moins le feignait-il à merveille ; non pas pour cacher l'étendue de ses nouveaux pouvoirs, mais avant tout pour ne pas l'offusquer plus que ce n'était déjà fait – quand bien même cette si touchante attention jouissait aussi de ce second intérêt.

Observateur docile et silencieux, Alessio s'en tint à observer le défilé des paysages jusqu'à ce qu'ils soient arrivés à destination. Encore peu coutumier de ce mode de déplacement, même s'il en laissait paraître tout le contraire, il préférait suivre la marche qui lui était imposée que de risquer de se perdre dans cette étendue sans limites. Et puis, pourquoi déclinerait-il une invitation si gentiment proposée ? S'inviter dans ces lieux prestigieux allait devenir monnaie courante, aussi n'avait-il aucune raison de se décommander alors qu'il avait pour cette fois une bonne raison d'y être. En tant qu'ancien Djinn, il se sentit naturellement ici comme chez lui. Ce n'était certes pas le premier endroit qui lui serait venu à l'esprit, mais le Domaine des Rêves lui inspirait une quiétude plus élevée encore que celle qui était déjà la sienne avant d'y pénétrer.

Si Hypnos avait cru pouvoir le déstabiliser en l'emmenant sur son terrain, il risquait d'être déçu. N'avait-il pas toujours eu le don d'aller chasser ses proies sur leur propre terrain plutôt que d'attendre qu'elles viennent à lui ? Du reste, l'endroit était, il devait bien l'admettre, de toute beauté. La finesse du décor était telle que l'on aurait pu croire que l'éternité qui s'était écoulée depuis sa création avait toute entière servi à la peaufiner jusqu'à atteindre la perfection – à peu de choses près. L'intangible était son territoire à lui aussi, et il en avait gardé une trace par son don pour les illusions et la création. Mais s'il pouvait faire naître des objets à partir de rien, cela restait généralement bénin – n'allant pas plus loin que les cigarettes qu'il prenait toujours autant de plaisir à consommer ou, tout au plus, un objet de la taille d'un échiquier... À l'instar de celui que le  Seigneur Soporifique venait de matérialiser. Le romain se fendit d'un sourire matois à l'écoute de sa proposition.

Ma foi, pourquoi pas, mais c'est trop d'honneur que vous me faites. Je ne suis pas sûr d'être à la hauteur et m'en voudrais de vous décevoir. Mais puisque vous semblez tant y tenir, j'accepte de relever le défi. Vous auriez pu laisser au pauvre profane que je suis la chance de commencer pour équilibrer, mais je saurai m'en satisfaire. Après tout, le Noir me sied mieux, m'est avis que vous-même ne sauriez le nier. Permettez-moi néanmoins de vous demander pourquoi vous tenez tant à connaître cette histoire et plus précisément pourquoi vous souhaitez l'entendre de ma bouche ? Comme vous l'avez si bien constaté, je ne suis pas le seul à pouvoir vous la conter.

Comme suggéré, il tira une chaise pour s'y installer avec toute l'élégance qui le caractérisait, sans hésiter un seul instant dans ses mouvements. Sa gestuelle même en cet endroit qu'il ne connaissait pas, qu'il ne pouvait connaître semblait aussi spontanée et expérimentée que celle de celui qui l'y avait convoqué. Il y avait fort à parier que même Thanatos ne soit pas aussi à l'aise lorsqu'il était question de s'asseoir en face d'Hypnos, de surcroît dans l'optique d'une partie d'échec qu'il était sûr de perdre tant la patience pouvait parfois lui manquer. Mais le Griffon était différent, il n'avait pas fallu longtemps au sommeil pour s'en rendre compte, lui qui avait su lire entre les lignes du livre du destin pour savoir à quel avenir il était promis. Un avenir sombre et tortueux mais au coeur duquel il se sentait plus vivant qu'il ne l'avait été quand il était encore de chair et de sang.

Encore qu'il lui soit difficile de comparer, cette période de sa vie – de son existence serait plus juste – n'étant plus que flou artistique désormais. Le premier coup venait d'être porté, et il n'avait pour cela eu besoin d'aucun pion. Le pousser à avouer qu'il ne pouvait savoir à qui s'adresser à moins que le Spectre ne consente à lui dire la vérité était déjà une manière de le forcer à ployer le genou devant lui, et la question avait été formulée de manière telle qu'elle ne pouvait que difficilement être esquivée. Oui, des deux, c'était lui qui le premier se retrouverait acculé. Pour joindre le geste à la parole, ou peu s'en faut, le Faux Dieu éleva sa main vers le plateau de jeu pour exécuter un premier mouvement des plus gracieux.

J'apporte néanmoins une nuance. Il va de soi qu'en cas de défaite de ma part, et inutile de dire que je vois mal comment je pourrais y échapper, je vous dirai tout ce que vous voulez savoir mais avec mes propres mots. Comme vous l'avez vous-même remarqué en entrant chez moi sans frapper, je venais à peine de me réveiller. Étant dans le même cas, je présume que vous pouvez comprendre que mes esprits en sont encore quelque peu embrouillé. Je suis déjà  suffisamment honteux d'avoir du vous recevoir dans ce champ de ruines qu'est désormais mon si joli palais, aussi ne puis-je que refuser catégoriquement de vous accueillir en mes pensées qui ne doivent pas être en bien meilleur état. Oh, nul besoin de vous en faire pour moi : si désastreux que puisse être mon état, je conserve toute ma lucidité et avec elle les moyens de vous récompenser comme il se doit.

Il put sentir la froideur de la pièce à travers son gant et se demanda un instant de quelle matière elle était faite tant il semblait s'agir d'un noble matériau, sans pour autant pouvoir lui donner un nom. Peut-être n'était-il pas de ce monde. Peut-être appartenait-il à un autre – à celui au sein duquel lui-même allait évoluer. Et quelle meilleure manière d'y entrer que par la grande porte ? Toujours aussi détaché, le Juge toisa sans s'en cacher celui qui, pour l'heure, n'était autre qu'un adversaire aussi respectable que respecté. Dans son état, il n'était pas impossible qu'il trahisse ses intentions et qu'il lui soit ainsi plus facile de creuser un écart déjà palpable et sa propre tombe par la même occasion. Pour sa part, le maître du tribunal des âmes ne faisait guère plus que reposer tranquillement contre le dossier d'un siège qu'il considéra comme agréablement rembourré. Ne manquait à son confort que cette éternelle tasse de thé, trop souvent hors d'accès.

Pour être honnête, j'avoue également être circonspect. Vous dites vouloir m'offrir votre protection. Et, même si je m'en voudrais de rejeter une main tendue, n'allez surtout pas croire que ce soit le cas, je ne peux m'empêcher de me demander contre quoi et pourquoi vous estimez que j'ai besoin d'être défendu. Je ne vous cache pas que j'aimerais connaître le fond de votre pensée à ce sujet. Qui plus est, vous avez pris la main alors que je suis désavantagé : je ne doute pas qu'en plus de millénaires que je ne pourrais en compter, vous avez eu tout le temps de pratiquer. Sauf votre respect, j'aimerais donc rétablir un semblant d'équité. En conséquence de cela, j'aimerais, à condition bien sûr que vous acceptiez, obtenir de vous que vous m'accordiez un autre service dans l'hypothèse ô combien improbable où je gagnerais. Étant donné que cela ne risque pas d'arriver, serait-ce trop demander ? Libre à vous de refuser, mais ce n'est pas comme si vous pouviez échouer. Je crois savoir qu'il s'agit de votre jeu préféré.

Lorsqu'ils étaient passés devant la galerie de ses rêves embrumés, il avait affecté de ne point comprendre l'allusion, ou, en tout cas, n'en avait rien montré. Voilà qui devrait être suffisant pour montrer à la divinité que quoi qu'il ait en tête,  si les dieux avaient passé une éternité à consolider leur position au sein de l'ordre céleste, la sienne bien que plus réduite avait été sagement dépensée à parfaire ses airs de neutralité. Il ne serait pas si facile de les faire tomber, et il était bien mal avisé s'il avait pensé que le confronter à cet affrontement soi-disant ludique y suffirait. À défaut de pouvoir mesurer si ses nouvelles capacités valaient bien celle d'un démiurge dans toute sa splendeur, au moins lui restait-il cette façon de s'en faire une petite idée.

Les cheveux qui jusque là lui barraient le visage furent rejetés en arrière d'une main gantée pour lui offrir une meilleure visibilité, révélant pleinement ses yeux jusque là ombragés et leur éclat à la hauteur de celui de l'animal de légende qui avait inspiré son Surplis. Un roi des cieux né pour voler plus haut que quiconque et pour traquer quiconque tente de le détrôner. Celui qui se dresse au sommet du monde et s'élève si haut que rien de ce qu'il contient n'échappe à son regard perçant – pas plus qu'à ses griffes acérées. Quelle gorge serait la première à en être déchirée ? Pour la première fois depuis que le jeu avait commencé, Alessio se saisit d'un pion – sans conteste sa pièce préférée, toujours à frapper là où on l'attend le moins. Là où les autres ne peuvent aller et par un angle d'attaque que l'on oublie trop souvent d'envisager.

Pour en revenir à vos pouvoirs, veuillez excuser ma curiosité, mais vous serait-il possible de me dire dans quelle mesure vos égaux peuvent en être affectés ? Et surtout si vous êtes obligé d'agir sur eux directement ou s'il est possible et tout aussi efficace de passer, disons, par un moyen interposé ? Les mécanismes du sommeil m'ont toujours intéressé et plus encore quand ils atteignent la sphère du divin, et alors que je ne pensais plus vous revoir afin de pouvoir vous le demander pour que vous me tiriez de la fange de l'ignorance, vous voilà en face de moi. Je serais idiot de ne point en profiter, si tant est bien sûr que vous consentiez à m'éclairer. Je ne voudrais pas vous déconcentrer.
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MessageSujet: Re: Naître et mourir. [PV]   Naître et mourir. [PV] EmptyJeu 19 Sep 2013 - 2:06

Que de sourires... Pourquoi les mortels sourient-ils ? Cette jubilation faciale si expressive semblait être une source inextinguible de bonheur pour les uns tandis qu'elle est un masque d'hypocrisie outrageuse pour d'autres. Pourquoi Alessio souriait-il avec autant d'insistance depuis leur premier échange ? Ces sourires hautement chargés de morgue et de dédain quasi non-feint qu'on adresse à autrui afin de lui transmettre un message clair. Assis bras et jambes croisés, Hypnos pesait d'un regard de pure neutralité les mouvements fluides du Griffon venant prendre place en face de lui. Les murs de Morphia avaient d'ores et déjà réagi au cosmos du Sommeil et matérialisé un échiquier grandeur nature sous les pieds des joueurs rivaux, son adversaire fut d'ailleurs prompt à relever le défi. Non que cela étonnait l'élyséen, mais ça ne l'empêchait pas de bercer l'insolent Juge d'Hadès de ses iris dorés aussi affutés que le serait l'Épée du Seigneur des Enfers. Alessio serait-il suicidaire (quoique tout peut arriver) ou bien simplement à côté de la plaque ? D'où tirait-il cette soudaine témérité plus accentuée que ce à quoi il les avait habitués lui et les autres dieux chthoniens ? Si le fils de Nyx n'avait pas pris la peine de relever le ton implicitement sarcastique et les paroles condescendantes du Fourbe Spectre, lui accordant tout juste des réponses formelles et dénuées de cordialité. Il ne le prenait pas au sérieux semble-t-il, sa nouvelle condition le galvanisait à tel point qu'il se permettait de contourner ses avertissements. Soit... si le Griffon voulait jouer à Icare, alors ainsi soit-il !

Le cosmos de la déité s'éleva pour englober tout le domaine de Morphia maintenant redécoré sous les dalles d'une partie d'échecs digne des dieux. Hypnos n'avait pas bougé ni esquissé le moindre geste éventuel pour avertir son environnement d'une action de sa part, son corps ne servait à rien d'autre qu'à abriter sa puissance après tout. Quant à son vis-à-vis, il aura beau s'en targuer autant qu'il le désire mais il ne sera pas dit qu'un nourrisson divin mal dégrossi lui ferait poser un pied dans la marge d'erreur. Yeux dans les yeux, le Juge pouvait sans aucun doute comprendre l'intention du père des songes... la mascarade était finie. Hypnos n'est pas une divinité réputée être aussi portée que son frère pour les châtiments, il voyait chez les humains ce quelque chose qui faisait que les dieux aussi ont tout à craindre d'eux. Alessio n'en est pas une exception, jamais personne ne lui avait mis autant de bâtons dans les roues, cet affranchissement si brutal du Griffon l'inquiétera tant qu'il ne l'aura pas résolu. C'est là que son adversaire eut la brillante idée de modérer la teneur de son monologue pour enfin se reconcentrer sur leur partie. Un mouvement bien adroit pour un néophyte, de qui se moque-t-on ? Les pions qui avaient été déplacés se matérialisèrent aussitôt par injonction cosmique du frère de la mort qui gardait obstinément les yeux vides de toute expression plantés sur le joueur adverse. Enfin, ça commence maintenant ! Nonobstant son long mutisme, le maître des lieux reprit une once de présence alors que ses lèvres s'étirent en un rictus plus qu'évocateur.

Thanatos me l'a toujours reproché, à tort certes mais je ne m'oppose pas à son opinion. Les humains sont des êtres tellement stupides qu'ils en arrivent à rendre la bêtise mortelle, c'est d'ailleurs pour cela que nous sommes tous fidèles à sa majesté Hadès. Toi, Alessio, tu es l'exemple parfait du danger qui nous menace tous et en cela je me retrouve confronté à un grave dilemme. N'as-tu donc aucune crainte de la damnation éternelle, cher ami ? Si le fait de ne pas t'avoir châtié depuis mon arrivée ne t'a pas échappé, tu te doutes bien que je n'y aurais pas trouvé mon intérêt. 1700 ans au Lac de Sang te sembleront un bien doux séjour si jamais il arrive que tu t'attires le courroux des dieux !


Hypnos effectua un déplacement habile de son cavalier après la mise en position de sa tour, Alessio verra-t-il le Cheval de Troie ? Pour l'heure, il se contenta de lui prendre un premier pion mais rien n'est encore joué contrairement aux jérémiades faussement modestes du Juge. Croyait-il vraiment pouvoir le devancer d'une quelconque manière ? Cela le fit doucement sourire en guise de réponse au rictus démesurément narquois du Romain. Hypnos ne lui reconnait que sa dangerosité avérée dorénavant, impossible de le nier mais aussi ardu sera de l'acculer il est certain que l'ex-Djinn n'aurait que peu de répit. Alors que la partie évoluait, Hypnos concéda finalement une déclaration sincère !

Rien ne compte, Alessio... J'entrevois tout simplement le sentier sur lequel tu t'engages. Je ne t'apprends rien en te disant que les dieux n'apprécient guère que l'on envahisse leurs territoires. Je te prie donc de revoir l'ordre de tes priorités ! À quoi bon jouer au plus fin avec moi ? Qu'y gagneras-tu d'autre que mon courroux ? Tu n'es pas un dieu et tu le sais, tu n'es qu'un faussaire nuisible et pernicieux. La personnification de la Fourberie dont tu te plais à en exhiber la carte que je t'ai transmise, cela ferait-il forcément de moi un bienfaiteur à ton image ? Je suis près à tout entendre et tu me connais sur ce point, mais tu t'en repentiras amèrement si tu t'obstines à me prendre de haut !


Hypnos se leva finalement de son siège sans préciser s'il abandonnait la partie ou non, mains dans le dos, il pivota vers l'arc des rêves derrière lui qu'Alessio devrait avoir remarqué. Sans un geste, la porte s'illumina par sa seule volonté pour faire défiler de nombreuses séries d'images cryptées sur un fond éthéré. Nul besoin d'observer de potentielles réactions, il n'y en aura pas ou au mieux les mêmes artifices de ce damné Méphistophélès. Lentement, le père des songes leva les bras de chaque côté pour faire apparaître deux portes que la culture du Griffon reconnaîtra aisément. Celle des rêves prémonitoires et celle des rêves trompeurs, à laquelle se destinera-t-il ? Sans prévenir, le Sommeil se tourna vif comme l'éclair et avança une de ses pièces par télékinésie. Contre toute logique, la pièce n'était nulle autre que celle du Roi... Hypnos étira un sourire qu'Alessio lui envierait, d'eux deux c'est bien le Sommeil qui battait la Fourberie dans les jeux psychologiques. Aussitôt qu'il reprit son siège dans sa position initiale, les deux portes légendaires se mirent à rayonner puissamment et se lièrent via des liens de pavots avec celle du Romain. Le tour suivant promettait d'être intense, tandis que l'opération mystique des Onirophores se déroulait par la seule science du fils de Nyx. Alessio allait-il prendre son Roi et corroborer son intuition ?

Un Roi n'en est pas un s'il ne guide pas ses sujets, c'est là la faille d'un tel système. Quant à savoir si tous ses sujets lui sont fidèles, c'est une autre paire de manches... Pour répondre à tes questions, je me dis simplement qu'une concorde est à l'ordre du jour. Si tu le souhaites, je peux aisément plaider en ta faveur auprès de leurs majestés, cesse de prétendre que mon soutien ne t'est pas vital. Tu es en sursis mon pauvre Alessio, ta place aux Enfers ne tient plus qu'au bon vouloir d'Hadès et je puis l'affirmer qu'il remuera ciel et terre pour découvrir la vérité. De nous deux, à qui penses-tu que tu doives accorder des aveux ? Un choix aussi simple que décisif pour la suite, tout me révéler bénévolement et t'assurer un allié de poids ou t'exposer au jugement d'Hadès et voir toute ton existence radiée. Le Lac de Sang n'égalera jamais le Cocyte, et tu en es conscient, le Griffon divin risquera de périr à l'image d'Icare si tu persistes à me tenir tête.




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MessageSujet: Re: Naître et mourir. [PV]   Naître et mourir. [PV] EmptyJeu 19 Sep 2013 - 2:06

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Alessio
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MessageSujet: Re: Naître et mourir. [PV]   Naître et mourir. [PV] EmptyDim 22 Sep 2013 - 7:53

Hypnos tentait d'avancer à pas aussi prudents que pressés, et on ne pouvait pas dire que cela lui réussissait. Car s'il connaissait celui qu'il avait en face de lui, cela faisait véritablement une éternité qu'il ne s'était plus réincarné, et il n'avait pu observer depuis sa divine couchette tout ce qui s'était passé et à quel point il avait évolué. Même en excluant sa récente transformation, le Griffon avait eu des années devant lui pour se développer et apprendre à voler de ses propres ailes après les avoir déployées. Le Dieu du Sommeil avait quitté cette Terre avant qu'il n'abandonne pour de bon sa peau de Djinn pour endosser celle du Juge qu'il était à ce jour, et ne réapparaissait qu'à présent que son titre était à l'en croire remis en doute. Rien de ce qui s'était passé entre ces deux périodes de son existence ne lui était connu, aussi ne pouvait-il que difficilement mesurer les progrès qu'il avait pu faire ainsi que son actuelle dangerosité.

S'il savait parfaitement que le romain disposait à l'origine d'un fort potentiel, rien ne lui permettait d'affirmer à quel point celui-ci avait été capable de s'épanouir avec le temps et dans quelle proportion il en jouissait désormais. Et il y avait fort à parier que tous les constats qu'il pouvait faire soient bien en-dessous de la vérité. Car il ne pouvait avoir idée de tout ce que le marionnettiste avait traversé, des quantités invraisemblables de graines d'amour et de haine qu'il avait semé. En l'espace de quelques années, il avait vécu plus qu'il n'avait jamais pu le faire quand il arborait encore son humanité et sa condition de Spectre ne lui était que plus précieuse de ce fait – pour tout ce qu'elle représentait et tous ces plaisirs qu'il n'aurait jamais pu connaître s'il n'était pas revenu à la vie. Cela ne changeait en rien ses plans, mais il savait à qui il le devait et n'était pas un ingrat – du moins pas autant qu'il y parait.

Toutefois, si le Marchand de Sable se faisait fort de pouvoir le cerner, le Juge des Enfers se réclamait de son côté à même de le désappointer. Tout ce que la divinité saurait de ses intentions était ce qu'il voudrait bien lui en montrer, et avoir cet ascendant, cette emprise sur lui n'était pas sans le régaler. Hypnos piaffait d'impatience à l'idée de connaître le fin mot de l'histoire, mais encore fallait-il le mériter, et c'était encore loin d'être gagné. S'il n'avait assurément pas autant de pratique à son actif, l'Étoile Céleste de la Valeur se flattait de son vivant d'être le plus doué aux jeux de son régiment. La mort n'avait rien arrangé, bien au contraire, puisqu'il n'avait eu que le loisir de les pratiquer afin de peaufiner la maîtrise qu'il en avait.  Et force était de constater que les échecs comptaient parmi ses préférés à en croire la facilité avec laquelle chacun de ses coups était joué.

S'il subissait la pression, c'était avec une maestria certaine qu'il parvenait à n'en rien montrer, à moins que cette assurance ne soit justement faite pour le déstabiliser ? Auquel cas il se pouvait bien que cela fonctionne aussi bien que cela l'avait espéré. Même s'il avait des millénaires d'expérience derrière lui, le Vendeur de Rêves n'était pas à l'abri d'émotions et de réactions bassement humaines comme il venait de le démontrer. Si Alessio était pour lui une inconnue dans l'équation sur bien des points, ce dernier avait la chance de savoir à peu près à quoi s'en tenir au moyen du peu de temps où ils s'étaient connus. Si les Dieux étaient parfois changeants, Hypnos et Thanatos étaient de ceux qui varient très peu, et le fait de paraître à nouveau sous sa véritable apparence laissait à penser que ce n'était pas encore cette fois que cette constante serait modifiée.  

Alors que le Spectre le retrouvait tel qu'il l'avait toujours connu, bien qu'il ne se souvienne pas l'avoir jamais vu dans un tel état d'excitation, le Griffon était en contrepartie un mystère complet  ou peu s'en faut. Si les grands traits demeuraient, tout ce qu'il avait vécu lui était parfaitement inconnu. Devant être l'un des premiers qu'il rencontrait depuis son retour, le Dieu du Sommeil ne devait avoir, malgré ses prétentions, qu'un nombre affreusement limité d'informations et devait donc dépendre de lui pour se faire une idée de la situation. Autant dire qu'il était bien mal loti et que peut-être était-ce au final lui qui partait avec un désavantage lors de cette confrontation. Là où Alessio avait toutes les cartes en main, la sienne y compris, lui n'en avait plus aucune à peu de choses près. Tout son jeu était à refaire, et son adversaire ne comptait nullement lui en laisser le temps.

Oui, l'avoir rencontré si tôt après sa réanimation était une bonne chose en définitive, et ce même s'il lui était désagréable d'avoir à traiter avec lui alors qu'il se trouvait dans un tel état de nerfs. Il n'aurait pas pu y couper de toute façon, et ce n'était pas comme s'il était sensible à l'intimidation sous quelque forme que ce fut.  Pas la moindre parcelle de son corps ne semblait sous l'emprise de cette tension, preuve du parfait contrôle qu'il exerçait sous ses émotions. Alors même qu'il avait un Dieu en face de lui et que son avenir pouvait dépendre de cette petite partie – encore qu'il doutât fortement de ce dernier détail -, pas la moindre trace de nervosité n'émergeait à la surface de son être, le laissant aussi placide et bien éduqué qu'il pouvait sembler l'être à l'accoutumée – toujours étonnant pour qui a connaissance de son passé de roturier, mais peu nombreux étaient ceux-ci et d'autant plus maintenant que même lui l'avait oublié. Se calant un peu plus étroitement contre son siège, Alessio parut prendre sa première riposte à la plaisanterie.

Me châtier ? Mais me châtier pourquoi, je vous prie ? Je persiste à dire que je n'ai rien demandé. Vous semblez bien vous y connaître, aussi je ne vous apprends rien en vous disant que subir un tel procédé fait connaître une douleur atroce en plus d'avoir une chance de me tuer, si immortel que je sois censé être. Dès lors, pensez-vous vraiment que quelqu'un comme moi aurais pu sciemment vouloir s'imposer une telle épreuve ? Je ne suis pas Kazuki, et si tel était le cas je n'aurais d'ailleurs pas eu besoin d'en passer par là.  Ma propre et véritable puissance, cela fait longtemps que je l'ai déjà et vous l'avez devant vous : il s'agit de ma propre voix. Je suis un intellectuel, vous êtes bien le mieux placé pour le savoir. Plus de pouvoir ne m'apporterait rien puisque je fais tout pour n'avoir pas à me battre tant que je peux y échapper. Ce n'est pas à la force de mes poings que j'ai pour habitude de briller, l'auriez-vous oublié ?

D'un mouvement habile, Alessio vint faucher le Cavalier qu'Hypnos venait de déplacer par le biais du Fou qu'il gardait de côté. Sa Tour, bien positionnée, avait été voilà longtemps repérée, et même s'il y laisserait des plumes il savait déjà très exactement comment la réceptionner. Il allait falloir faire quelques sacrifices, mais il ne devrait avoir aucun mal à s'en débarrasser. Là où Hypnos avait l'air de mener son jeu avec un flegme proche de la lassitude – quel que soit le coup employé, par combien de fois avait-il déjà bien pu le jouer ces derniers milliers d'années ? - le romain, quant à lui, se plaisait à déployer des tactiques à l'audace sans cesse renouvelée. Non pas pour soumettre au regard de son opposant quelque chose de nouveau, mais pour tenter de prendre au dépourvu celui qui a déjà tout vu, tout observé. Élaborer un assaut auquel il n'aurait pas pensé. Sans même se départir de sa tranquillité, il reprit son discours là où il l'avait laissé, observant le plateau de jeu avec intensité.

Sans vouloir vous offenser, je trouverais bien injuste que d'être puni pour un crime que je n'ai pas commis. Et si je sais d'expérience que certains dieux n'ont point besoin de motif pour se jouer des mortels en leur infligeant des châtiments qu'ils n'ont pas mérité, je ne pense pas inexact de vous croire au-dessus de tout ça – et serais, pour ne rien vous cacher, fort déçu d'apprendre que c'est tout l'inverse en vérité. Je ne vous apprends rien si je vous dis une fois de plus qu'une telle « évolution » ne peut en aucun cas être spontanée. Aussi, même si j'étais fautif de quoi que ce soit, rien n'aurait été possible si j'étais le seul à l'avoir souhaité. Du reste, si ce n'était point souhaité, vous imaginez bien que vous n'auriez pas été le premier à venir me trouver pour me le faire regretter.

Alessio eut une brève pensée pour Perséphone au moment de déplacer sa Reine sur le damier. Où cette dernière avait-elle bien pu aller ? Il n'en avait aucune idée. Avant de pénétrer dans Morphia, au sortir de son rêve éveillé, il avait senti se produire une déchirure qu'il n'avait su s'expliquer – à plus forte raison qu'il ne semblait pas en être directement affecté. S'il avait pensé qu'elle avait pu le maudire au même titre que Belhys l'avait été avant qu'elle ne concède de l'en délivrer, il n'en était rien en vérité. Il ne faudrait pas longtemps pour s'en informer à partir du moment où elle serait rentrée, mais il n'aurait jusque là aucun moyen d'expliciter cette curieuse affinité – quelque part, peut-être éprouvait-il le besoin d'être rassuré. Mais ce n'était nullement le moment d'approfondir cette pensée qui en cet instant délicat ne ferait que le gêner. Aussi est-ce sans hésitation que ce fut à la Tour du Sommeil de tomber non sans s'être dans ses rangs durement avancée. Toute retraite était à présent coupée, mais il lui restait encore plusieurs coups à jouer – et c'est lui qui le premier eut un Roi à menacer sitôt après que le Gardien des Rêves eut joué.

Je n'ai pas de chemin précis, pas de vrai but dans la vie – enfin, la non-vie. Je ne fais que prendre ceux sur lesquels je m'imagine pouvoir être diverti. Vous qui existez depuis le matin du monde ne devez que trop bien comprendre cette volonté que nous partageons d'être sans cesse amusé, sans quoi l'éternité nous paraîtrait bien morne, vous ne croyez pas ? En outre, je vous ferais remarquer que je n'ai jamais prétendu l'être. D'abord parce que vous ne m'en avez pas laissé le temps, mais surtout parce que je n'en vois pas l'intérêt.  Je suis un homme simple qui apprécie les choses simples et c'est ainsi que je resterai. Je n'ai pas souvenir de vous avoir pris de haut à aucun moment, mais vous prie de m'excuser si vous avez pris comme tel les taquineries que j'ai pu vous destiner.

Attentif au moindre geste, Alessio suivit du coin de l'oeil les déplacements d'Hypnos sans toutefois se détourner du duel acharné qu'ils étaient en train de livrer. Ses capacités lui permettaient sans peine de faire cela et d'autant plus désormais – encore qu'il n'ait pas eu besoin d'attendre d'être un demi-dieu – le terme était-il correct ? - pour pouvoir faire plusieurs choses à la fois, mais dans le cas présent aucune de ces deux choses ne méritait d'être considérée avec négligence. Il ne pouvait se désintéresser du Père des Songes sans que celui-ci ne risque de tenter quoi que ce soit, mais ne pouvait pas non plus se permettre d'oublier la partie qui était en train de se jouer. En dépit de la difficulté que cela pouvait représenter, il ne bougea pas un cil et continua de jouer comme si de rien n'était.

Il doutait fort que le seul but de la démarche soit de se dégourdir les jambes, mais il ne coûtait rien de lui faire penser qu'il en était persuadé. Á mesure que le cosmos croissait dans les environs, le Griffon libéra le sien en de lentes volutes qui aurait tôt fait de contrecarrer tout geste déplacé. Même s'il était le premier à jouer un mauvais tour quand l'occasion s'en présentait, il ne saurait ici tolérer un manque de fair-play – à quelque niveau qu'il se situe – et ferait par la même occasion comprendre à son hôte qu'il ne comptait pas non plus se laisser impressionner et encore moins marcher sur les pieds. Ces portes dont le contenu semblait à ce point l'obséder, il se ferait une joie de les garder obstinément fermées – quand bien même leur contenu n'aurait finalement pas été aussi compromettant qu'il puisse le penser. Le Spectre risqua un haussement d'épaules sans néanmoins perdre de vue le fil de la discussion, qu'il reprit sans plus tarder.

Peut-être le sait-il déjà, ce n'est pas sans raison que je me suis gardé de rien affirmer. Ne vous est-il pas venu à l'idée que si je ne peux me permettre de vous le dire, c'est parce que l'on m'aurait demandé d'en garder le secret ? Et une fois encore, pourquoi en aurais-je voulu si on ne me l'avait point demandé ? J'avais déjà devant moi toute l'immortalité et, sans vouloir vous vexer, je conçois la divinité comme d'un ennui si mortel que je ne pourrais qu'y succomber. Ne voyons cela que comme un incident de parcours, cela ne change rien pour moi... Même si je suis apparemment le seul dans ce cas.

Son regard ambré resta riva sur le Roi Blanc qu'Hypnos venait de lui mettre sous le nez. Était-ce là une tentative de déceler ce que recelaient ses plus sombres pensées ? Si tel était le cas, il ne pouvait que répondre à cette invitation, les pistes n'ayant de toute façon déjà été que trop brouillée. Sans son concours, ou celui de la Reine Noire, jamais le Dieu du Sommeil n'aurait vent d'un traître mot de ce qui s'était réellement passé. Aussi n'avait-il rien à craindre de l'interprétation de son geste que l'on pourrait donner. Puisque la victoire lui était si gentiment proposée, il serait grossier de ne pas s'en emparer. Sentant la fin arriver, l'ex-Djinn voulut prendre tout son temps pour jouer, sans cependant faire mine de cogiter. L'aplomb qui luisait au fond de son regard ne saurait mentir – et il était bien le seul, il fallait bien l'avouer. Scrutant le dos du Seigneur Onirique jusqu'à ce qu'il ait repris son siège, Alessio parut également attendre que ce soit fait pour parler. Cette lutte de tous les instants n'était certainement que la première d'une longue série – et il se pourrait même à ce rythme que le Griffon devienne son partenaire privilégié.

Je vous sais avide de vérité et trop fier pour demander à un autre de vous la ramener. Même si vous servez le seigneur Hadès, vous êtes un dieu à part entière et ne seriez pas pleinement satisfait si vous n'appreniez ce qui s'est vraiment produit autrement que par vos propres moyens. De plus, s'il y a ne serait-ce qu'une chance pour que ce que je viens de dire soit la véritable piste à ne pas écarter, c'est à vous qu'il pourrait en coûter de le lui demander et vous avez conscience de cela. Il se trame aux Enfers des choses dont vous n'avez pas idée et je gage que si vous aimeriez vous les entendre narrer il en est que vous préféreriez garder pour vous même s'il n'en est que plus ardu de les élucider. Aussi, je pense que vous n'irez pas lui en parler avant d'être sûr de ce que vous avancez. Le seul point qui demeure obscur pour moi est de savoir si votre fierté est égale ou supérieure à votre loyauté...

Le ton sur lequel il avait parlé était lent et détaché. Ce n'était nullement une critique et encore moins un réquisitoire. Tout ce qu'il étalait là n'était que ses propres déductions à propos du Dieu du Sommeil, qu'il n'avait au final côtoyé que très peu de temps, mais en qui il avait d'ores et déjà su discerner bon nombre d'aspects. Même si les fils de Nyx étaient liés aux Enfers à la vie à la mort – si abstraite que soit cette notion pour des êtres de si haute extraction -, cela ne changeait rien au fait qu'ils l'étaient parce qu'ils l'avaient bien voulu et non sous quelque contrainte que ce fut. Aussi étaient-ils libres d'agir à leur guise et c'était ce qui en faisait des armes à double-tranchant, mais n'était-ce pas justement cela qui dans un sens l'avait conduit à vouloir les avoir dans son camp ? Il esquissa un fin sourire, sans arrière-pensée aucune, dont le seul but était d'étayer son discours et la facétie qu'il en tirait à l'idée de ce qu'Hypnos pourrait en penser.

Je me suis toujours demandé pourquoi Icare avait stupidement fait ses ailes à base de cire. Pour un peu, je pourrais me considérer comme insulté d'y être comparé. Les miennes ne risquent pas de me trahir, soyez-en assuré, car il n'est plus rien en moi qui n'ai pas déjà brûlé. Si Icare je dois être, alors je suis un Icare aux ailes de flammes. Aussi mes plumes ne sont-elles pas prêtes de m'abandonner. Vous me connaissez, je suis trop prudent pour m'approcher si près du soleil... Du moins, pas sans être certain que sa morsure ne puisse me consumer. Mais encore faut-il que j'aie seulement l'envie de m'envoler, et ce n'est pas d'actualité. Il me reste bien trop de choses à terminer pour pouvoir me permettre de m'y essayer. Et puis, je supporte mal la chaleur passé les quarante degrés ; pourquoi vouloir voler trop près du soleil alors que l'on a pour soi seul le ciel tout entier ?

Alessio prépara son prochain coup, n'ayant plus rien à ajouter. Se fendant d'un sourire qui n'avait pas sa place en cet instant décisif, il plaça délibérément son propre roi en position vulnérable pour qu'Hypnos n'ait plus qu'à s'en emparer. Le mettre en échec n'aurait pas été si compliqué, mais c'aurait été presque trop facile d'ainsi accéder à tout ce qu'il pouvait encore souhaiter. Se réinstallant contre son dossier, la mine bien trop empreinte de confiance et de fierté pour la défaite désormais assurée ou peu s'en faut qu'il allait subir dès l'instant d'après, le Juge du Griffon reporta toute son attention sur son adversaire pour soutenir son regard si acéré, considérant d'ores et déjà comme terminée cette partie dont l'issue incertaine était à présent sur le point d'être scellée. Car peu importe ce que pouvait refléter l'échiquier, il l'avait amené là où il voulait, et n'aurait pas pu au fond de lui être plus convaincu d'avoir gagné.

Et ce n'était de voir son rictus s'étirer après qu'il se fut recoiffé d'une poignée de mèches repoussée qui allait amoindrir l'amertume que son expression ne manquerait pas de laisser à celui qui avait eu le malheur de croire qu'un duel dans l'honneur et mené sans perfidie aucune puisse l'intéresser. Pour son compagnon de jeu, la victoire risquait fort d'avoir un goût de cendres ce soir, et on ne pouvait pas dire qu'il en soit désolé.


Dernière édition par Alessio le Dim 22 Sep 2013 - 8:04, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Naître et mourir. [PV]   Naître et mourir. [PV] EmptyDim 22 Sep 2013 - 7:53

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MessageSujet: Re: Naître et mourir. [PV]   Naître et mourir. [PV] EmptyDim 29 Sep 2013 - 21:28

Alessio ne démordra décidément pas, il s'obstinait envers et contre tout à plaider son innocence sur un ton faussement contrit. La discussion et la partie tournaient en rond, comme un vulgaire jeu d'inquisition dans lequel aucun compromis ne sera concédé. Hypnos avait joué son Roi Blanc sans hésiter, ignorant comme toujours toute la diarrhée verbale de son "rival auto-proclamé" qui ne faisait que le pousser dans la marge qu'il souhaite justement laisser de côté. Bras et jambes croisés, le fils de Nyx couvrait toute la silhouette du Griffon de son regard doré plus perçant que la voix nasillarde de Yade ne le sera jamais. Il n'avait pas voulu en arriver là, mais il ne sera pas dit qu'une telle insubordination de la part d'un spectre passera outre à sa face. Alessio se croyait donc psychologiquement invulnérable ? Soit. Il est vrai qu'il n'aurait rien à craindre d'eux... du moins, tant qu'il n'aura pas reconnu que sans eux il ne serait rien. Le Sommeil savait parfaitement quel potentiel pouvait-on exploiter de ce garnement mal dégrossi, il suffit juste d'y mettre un peu de conviction et de moyens. Si on note l'état actuel des lieux, il n'est pas difficile de se rendre compte que toute chose est sous le contrôle du Père des Songes sauf l'esprit de l'Ex-Djinn incapable d'une once de bon sens face à un dieu. Dieu qui finit par fermer les yeux au lieu de soupirer comme le font les mortels exaspérés, c'en est assez désormais... Alessio lui faisait perdre du temps, il ne fallait pas s'attendre à autre chose d'un électron libre tel que lui.

Derrière les arguments d'une évidence incontestable, il demeurait clair que le Griffon n'ignorait pas que l'absence de preuves concrètes du Sommeil pouvait être aisément comblé. Rien n'est hors de portée pour un dieu ayant non pas vécu depuis "le matin du monde" mais depuis "la nuit des temps", le couple infernal lui-même reconnaissait sa suprématie sur les âmes de tous les dieux des générations récentes et oubliées. D'ailleurs, quand on parle d'Hadès et de Perséphone on en voit les ombres, ils se situaient tous les deux en Elysion tout comme Thanatos et ce cher Kazuki en plein entraînement dans un autre plan non-peuplé. Malgré l'énorme énergie troublant la quiétude de fond de l'Hyperdimension, les sens de l'aîné des dieux jumeaux perçurent sans erreur le départ du Sombre Monarque ainsi que le message télépathique lui étant expressément adressé. Son "partenaire de jeu" n'en tirera rien, encore moins facialement, bien que le contenu ne le concerne aucunement. Ainsi donc, les sceaux de Liafhilde se révèlent défectueux après une aussi courte période ? Encore un imprévu à prendre en compte, son maître lui demande de l'en libérer partiellement afin qu'elle devienne leur prêtresse ~ et serve de compagnie à Perséphone s'en douta-t-il. Alors qu'il rouvrit les yeux comme si de rien n'était, pour ne pouvoir admirer d'autre qu'un Griffon confortablement installé et dont le dernier mouvement fut aussi décevant que plagiaire. Calmement, Hypnos se saisit du Roi Noir qu'il fit mine d'examiner sans véritable intérêt...

Échec et Mat, Alessio !


Tout se déroula extrêmement vite, mais le romain aura eu l'impression qu'une éternité se sera écoulée. La pièce soumise à une terrible pression se brisa entre ses doigts vite suivie par l'échiquier se désintégrant sous l'action du cosmos divin. Si le Griffon aurait pu réagir au quart de tour face à cela, il lui fut malheureusement impossible de se soustraire à la volonté d'Hypnos prenant tout son sens grâce aux Portails Onirophores. Liée aux légendaires portes de la prémonition et de l'illusion par des lianes de pavots tissées au préalable, la propriété morphéique d'Alessio reçut des décharges d'énergie violette via ces mêmes liens. Le Sommeil n'accorda plus le moindre intérêt au Griffon qui devait sentir un pan entier de son esprit s'extraire de force, se levant noblement pour rejoindre le pivot de l'opération, cette vérité qu'il avait tenté d'obtenir pacifiquement fut maintenant à sa portée. Cependant, il lui apparut clair que ce serait vain... Comme pour la précédente vision, tout ce qui s'étala à ses yeux fut crypté au point que la source des informations en était illisible. D'un geste de la main, Hypnos fit disparaître les portes libérant ainsi sa victime de son calvaire, puis pivota vers le bellâtre aux piètres airs d'Adonis. Ce dernier était encore parcouru de spasmes, l'épiderme veineux témoignait de l'ébullition de son sang en pleine phase de régression et ornant son front scintillait le pentacle symbolisant la quintessence suprême. Imperturbable, Hypnos l'observa reprendre son ancienne apparence imparfaite en complément avec son Surplis perdant son statut de God Cloth, la malédiction était mise en place et personne d'autre ne pourra l'en libérer. Toute trace perceptible d'Ichor de l'épouse d'Hadès se retrouva occultée par l'aura écrasante du garant de Morphia envahissant et gangrénant tout l'être du Griffon, aucun dieu ne pourra obtenir la permission de sonder l'origine même de ce sceau.

Tu peux me remercier, maintenant il n'y a plus aucun risque pour toi de subir un énième interrogatoire. J'espère que tu ne vois nul inconvénient à ce que je minimise ton fardeau, n'est-ce-pas cher ami ? Ce n'est là qu'un avant-goût de mon pouvoir, mais peu importe les raisons qui te poussent à me questionner à ce sujet. Tu n'en sauras rien, n'espère plus obtenir mon soutien dorénavant. Discuter avec toi fut bien moins divertissant que je ne l'ai escompté !


Malédiction de type RP ( coût 1 PM )

Conséquences RP:

La séance accordée à la catharsis de notre inestimable Juge était maintenant terminée, comme l'annoncèrent les ovations sarcastiques du Père des Songes. Il pouvait se sentir honoré et chanceux d'être tombé sur Hypnos pour juguler ses bêtises et le couvrir, car c'est bien là toute la raison de cette malédiction préventive. Dans le fond, le romain était aussi gagnant dans l'histoire puisqu'il pourrait maintenant reprendre ses activités de Juge comme si de rien n'était mais il n'aura plus le loisir de jouir de l'estime d'Hypnos à l'avenir. Par contre, pour les dégâts causés au domaine d'Anténora il se débrouillera sans le concours du Sommeil pour justifier l'état des lieux en cas de visite intempestive. Sans plus lui laisser l'occasion d'objecter ou de placer une dernière syllabe inutile, Hypnos l'exila de Morphia où il n'a plus aucune raison de poser le pied. Ils auront qui sait l'occasion de se retrouver dans de meilleures circonstances si le maudit y met du sien, ce qu'il ne manqua pas de souligner ironiquement au Griffon téléporté loin de sa vue. Le dieu du Sommeil lui aussi déserta Morphia pour une destination échappant encore et toujours aux mortels indignes de la bénédiction d'Hadès !

Essaye de t'améliorer au jeu plutôt que de me copier, Alessio ! Thanatos a lui-même bien trop de fierté pour s'y risquer, et garde-toi de m'adresser de nouveau la parole sinon ton existence ne vaudra pas celle du plus abjecte soldat squelette. Je te souhaite d'excellentes nuits, de ce côté, j'y veillerai farouchement !


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Alessio
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MessageSujet: Re: Naître et mourir. [PV]   Naître et mourir. [PV] EmptyMar 15 Oct 2013 - 0:16

Alessio demeura d'un calme olympien – quoi de plus ordinaire étant donné son actuelle condition. Quelle raison aurait-il eue de s'agiter ? C'était intentionnellement qu'il s'était mis dans une pareille situation, ainsi pouvait-on dire qu'il en avait le parfait contrôle. Même si ce n'était pas entièrement vrai l'on pouvait néanmoins affirmer que c'était lui qui avait dicté les règles de bout en bout. Là où Hypnos n'en pouvait plus de sortir de ses gonds, rien n'avait ébranlé son sang-froid maîtrisé à la perfection à tel point qu'on l'aurait dit élevé au rang d'art. Sur cet aspect cependant, son nouveau statut n'avait rien à voir là-dedans : il n'avait pas attendu de se procurer les clés de la divinité pour se jouer du monde et de ceux qui le font tourner. Et même s'il n'en concevait point de vanité, être en position de supériorité par rapport à un Dieu était grisant.

Malgré le fait que celui-ci soit pour le Juge ce que l'on pouvait trouver de plus proche d'un ami ce n'était pas non plus une raison pour se confier à lui. Il n'avait jamais été dans l'optique d'Alessio de s'ouvrir de ses secrets les plus noirs à qui que ce soit, car il était on ne peut mieux placé pour savoir qu'un sourire est la meilleure des cachettes pour la lame d'un poignard. Accorder cette confiance à qui que ce fut ne saurait guère que lui coûter cher au moment où il s'y attendrait le moins – le plus mauvais, indubitablement. Et ne sachant pas à quel point son amitié – où ce qui s'en approchait – pouvait compter aux yeux du Gardien des Rêves, surtout mise dans la balance de ses relations avec Hadès, il ne se risquerait pas à lui en dire quoi que ce soit.

Pour y avoir assisté à deux reprises dans la même journée – hormis si sa « transformation » s'était éternisée sur plus de vingt-quatre heures, il n'en savait toujours rien au fond – il avait vu se raviver le souvenir selon lequel les Dieux sont changeants et versatiles ; ce qui était acquis la veille ne l'est peut-être plus aujourd'hui. Et pour n'avoir jamais vu le Dieu du Sommeil dans un tel état de transe, cette précieuse information ne pouvait que l'enjoindre à la plus grande méfiance. S'il voulait obtenir quoi que ce soit de lui, si insignifiant que cela puisse être, il lui faudrait d'abord recouvrer son calme. C'était la condition que le Juge s'était posée mentalement dès l'instant où son interlocuteur avait fait irruption dans les ruines d'Anténora, et force était de constater qu'il avait bien fait puisque l'ire de son compagnon de jeu n'avait pas désempli depuis.

Ce serait mentir que de dire qu'il n'en concevait pas une pointe de regret tant cette agitation gênait considérablement leur conversation. Lui qui se faisait une joie de deviser avec lui comme au bon vieux temps avait du se contenter d'un Hypnos aussi soupçonneux qu'envahissant. Comportement pour le moins étonnant de la part de quelqu'un qui sait que le Griffon distille ses paroles au compte-goutte et ne tolère point qu'on lui force la main. Ce qu'il avait imaginé pouvoir être d'agréables retrouvailles s'était finalement changé en interrogatoire musclé sous couvert d'un dialogue à peu près civilisé où le Père des Songes n'avait fait que repousser toutes ses tentatives de tempérance du revers de la main.

Inutile de dire qu'il avait rapidement pris le parti de se contenter d'échanges polis et peu constructifs plutôt que de lui servir ce qu'il voulait sur un plateau. Le ton impérieux qu'il avait employé ne lui plaisait pas, c'était aussi simple que cela. Point question d'insolence ici, tout au plus d'un mérite qu'Hypnos – devait-il parler de « nouvel Hypnos » ? - n'avait pas réussi à acquérir. Lui qui les pensait plus proches que cela dans leur manière d'être peinait à cacher sa déception face à cette insistance manquant cruellement de finesse, s'attendant à un peu plus de subtilité de la part de celui qui l'avait accueilli aux Enfers il y a de cela bien des années. Peut-être fallait-il y voir les effets de sa résurrection ?

Une sorte d'envie de s'ébattre pour fêter les liens qu'il venait de renouer avec le monde physique ? Alessio n'en avait pas la moindre idée et, pour tout dire, s'en moquait éperdument. Mais il allait sans dire qu'il surveillerait cela de près et croiserait les doigts pour un retour à la normale – du moins, à la normale telle qu'il se la figurait. Ainsi se résignait-il à satisfaire son ego pour cette fois, car c'était bien le seul profit qu'il tirerait de cet échange plus tendu que l'Étoile Céleste de la Valeur ne l'aurait voulu. Quel dommage c'était que les choses aient du prendre une telle tournure... Mais pour avoir lui-même été contraint d'acquérir ce rang divin, il était à présent plus que fixé quant au fait que rien n'est jamais certain même en cette terre supposée être morte et que l'évolution ne connaît point de fin.

Même si celle-ci n'était pas sans lui laisser un goût amer. Non qu'il s'inquiète de la richesse de son carnet d'adresse, mais l'idée de voir s'effondrer cette complicité, la première base de sa non-vie, le laissait quelque peu frustré. Peut-être fallait-il y voir le signe d'une fin dans un nouveau commencement, une invitation à tout recommencer. Mais en ce cas, ce carton fictif, il ne lui restait plus qu'à le déchirer : il lui restait encore bien trop de choses à terminer. À moins que ce ne soit la contrepartie, le prix à payer pour ce qu'il était devenu aujourd'hui et qu'il ne manquerait pas de regretter. Mais il ne pouvait faire autrement s'il voulait continuer à jouer, car le terrain de jeu qui l'attendait désormais lui aurait sans cela été interdit d'accès. Il lui fallait à présent porter ce talent à un plus haut niveau, qu'importe la portée de ce qu'il lui faudrait pour cela sacrifier.

Il semblerait que j'aie perdu. commenta-t-il sans que son sourire ne s'efface.

Il n'avait rien, de toute façon. Rien dont il puisse déplorer la perte si cela se changeait en cendres sous ses yeux et s'éparpillait aux quatre vents. Les seules choses qu'il voulait siennes, celles qu'il convoitait, il allait lui falloir les récupérer. Et ce n'était pas près d'être terminé, oh non. Mais cela n'avait plus d'importance : il avait maintenant toute l'éternité devant lui pour s'en emparer. Et rien ne pourrait l'en empêcher, car il lui restait encore bien des cartes à jouer. Il avait perdu la partie, mais pas la guerre – à plus forte raison que cette défaite était volontaire. Destinée à le faire passer pour plus inoffensif qu'il ne l'était en vérité. Reculer pour mieux sauter. Hypnos n'avait pu que se rendre compte de la manoeuvre : il n'avait rien fait pour le cacher. En serait-il blessé dans son orgueil ? Qu'importe. Seul compte le résultat. Et maintenant ?

Pas un seul instant le Griffon ne chercha à moduler sa posture lorsque chaque chose autour d'eux commença à se désagréger. À quoi bon essayer de lutter ? Cette issue était prévisible. S'il n'avait rien fait jusque là pour l'empêcher, ce n'était pas maintenant que cela allait commencer. Ce n'était pas une question de capacité. Même s'il n'avait pas la folie de prétendre à pouvoir égaler un Dieu dès les premiers balbutiements de sa propre force en tant que tel même s'ils étaient désormais sur un pied d'égalité, ce serait une lourde erreur de croire qu'il serait impuissant à interférer. Mais il n'en avait pas la moindre intention, trop curieux de voir ce qu'Hypnos lui réservait – dans quels retranchements il avait réussi à le pousser. Un travail de longue haleine mais plein de promesses sur lequel il fondait de grands espoirs. Curiosité malsaine, pourrait-on croire.

Un vague rictus étira les lèvres du Juge, qui se contenta de fermer les yeux comme il le faisait sur ce qu'il préférait voir comme le fruit du trop grand engouement de son interlocuteur. Déjà, son cosmos s'égayait dans l'air, libéré sans qu'il n'ait d'ordre précis à lui donner. Plus profond et fascinant qu'il ne l'avait jamais été, il ne parut opposer aucune résistance à celui qui s'évertuait à s'immiscer en lui. Pour autant, ce fut suffisant à y faire obstacle, à plus forte raison que le romain avait lui-même manipulé sa mémoire peu de temps auparavant et que les plaies de cette ablation d'urgence n'étaient pas encore tout à fait refermées. Quoi qu'il ait pu rêver, dans la mesure où il n'en gardait lui-même aucun souvenir, il refusait catégoriquement de laisser son adversaire de ce jour y mettre les pieds, quand bien même ils étaient supposément sous sa responsabilité. N'avait-il pas droit lui aussi à une part d'intimité ?

Il ne cilla pas plus quand son corps entama la réaction de rejet qu'Hypnos y avait suscitée. S'il n'en fut pas épargné, une douleur cuisante se propageant jusque dans les recoins les plus infimes de sa personne, il serra les dents et n'émit pas la moindre exclamation, que ce soit de souffrance ou de stupeur. Bien que contraint à l'immobilisme pour le temps que dura le processus, il ne s'essaya pas même à lutter pour le contrecarrer. Quoi qui soit en train de lui arriver il ne demandait pas mieux que d'en connaître la finalité, et tenter de se débattre – pour rien – ne ferait que retarder d'autant une échéance qu'il était impatient d'examiner. Quand enfin son mal parut s'alléger, il se contenta de se redresser et s'abstint de se fendre d'un sourire quand il constata ce qui s'était passé d'un seul regard vers les pans de son Surplis offerts à sa vue. Il n'en demandait pas tant.

Je suppose en effet que je dois vous remercier. lâcha-t-il d'un ton badin. Je me sens plus léger. Porter le poids du monde sur ses épaules n'est pas chose aisée. Vous m'ôtez là une sacrée épine du pied, je n'aurais pu longtemps supporter d'être aussi parfait. Je me doutais que ce n'était pas fait pour moi, mais me voilà à présent fixé. continua-t-il sans tenir compte des récriminations d'Hypnos.

Le Seigneur Onirique n'était pas le seul à avoir des doléances à émettre au sujet de cette entrevue, mais le légionnaire garderait les siennes pour une autre occasion. Mieux valait en rester sur cette dernière note qui consacrait la victoire de son antagoniste – victoire que ce dernier n'avait pas l'air de beaucoup savourer, mais qu'y pouvait-il ? Il aurait au moins essayé. Quant à savoir ce dont il était capable en réalité, quand il était question de sa véritable spécialité, cela pouvait attendre - ce qui lui laissait tout le temps de se réconcilier. Projetant sa cigarette dans le néant omniprésent d'une vulgaire pichenette, il inclina la nuque de côté et y passa la main, faisant mine de s'étirer – comme si ce passage au rang de dieu n'avait au fond été qu'un mauvais rêve.

Oui, pourvu que leur prochaine séance prenne place sous de meilleurs auspices ; elle n'en serait que plus constructive. Tout deux, ils avaient matière à faire de grandes choses ensemble, mais encore fallait-il pour cela retrouver le terrain d'entente qui était le leur autrefois. Sans doute ce détail serait-il le plus laborieux qu'il aurait à résoudre. Mais rien n'est insoluble pour qui sait s'en donner les moyens, et il était de ceux-là – ne l'avait-il pas déjà prouvé plus souvent qu'à son tour ? Esquissant un semblant de révérence que son corps encore éprouvé par la brutalité de ce nouveau changement rendait quelque peu raide, il laissa le fils de Nyx retourner à ses propres occupations sans plus s'en soucier. Qu'ils le veuillent ou non, ils se reverraient ; que ce soit en meilleurs termes était tout ce qu'on pouvait leur souhaiter. Ne serait-il pas dommage de gâcher une si belle amitié ?

Sitôt qu'il fut hors de sa vue, Alessio éleva ses doigts gantés à la hauteur de son front pour effleurer de leur cime l'emplacement exact qu'il avait senti flamboyer au moment où son nouveau jouet lui avait été confisqué – et son nouvel aspect dans la foulée. S'il n'y trouva trace d'aucune cicatrice si ce n'est celle qui s'y trouvait déjà, il ne s'en passa pas moins la main dans les cheveux qu'il laissa alors retomber sur son front. S'il était illusoire de penser que cela camouflerait le rayonnement qui en jaillirait s'il avait le malheur de consumer trop d'énergie – raison de plus pour lui de se tenir loin des champs de bataille, quand bien même il n'avait pas besoin de nouveau motif – au moins cela camouflerait-il le manque d'esthétisme de ces deux stigmates se superposant , qu'il devinait sans même l'avoir vu. Une autre solution serait de porter son casque un peu plus fréquemment, mais il n'y tenait pas – surtout en cette heure où il avait plus que jamais besoin de respirer à pleins poumons, ayant la désagréable impression de s'être trop dépensé quand bien même qu'il n'avait pas bougé.

De retour au coeur de son Anténora ravagée où il avait atterri d'un battement d'ailes en toute dignité, il parcourut son environnement du regard jusqu'à trouver ce qu'il y était venu chercher. Sans cela, il aurait très bien pu profiter du fait qu'elle soit accidentellement devenue à ciel ouvert pour la quitter, ne voyant plus dans l'immédiat de raison d'y rester si ce n'est pour suivre du coin de l'oeil les réparations qui ne sauraient tarder. Aucun intérêt. Son Surplis disparut lors de sa marche pour faire place au costume qu'il avait l'habitude d'arborer – lequel ne souffrait aucun accroc malgré tout ce qu'il avait traversé, entretenu avec le plus grand soin pour toujours et à jamais. Ses pas cessèrent de résonner quand enfin il se pencha pour ramasser le chapeau haut-de-forme qui avait roulé dans un coin, par chance sans que les décombres tombés de part et d'autre n'en profitent pour l'écraser. Tout au plus eut-il à le dépoussiérer à la hâte avant de s'en coiffer. Ce faisant, il joignit ses mains et fit émettre à ses doigts un craquement sinistre avant de les agiter un bref instant pour s'assurer de leur mobilité. Leur parfait état pouvant être attesté, le spectacle pouvait continuer.

Et bien, remettons-nous au travail.
~ Europe.
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