Une première inattendue.

[Provenance : Ecosse]

Chico n’en était pas resté là, il avait décidé de poursuivre l’animal, au grand damne de ce dernier. Il n’appréciait apparemment pas trop la compagnie des Saints. Ce fut donc âprement qu’il décida de réduire le nombre de ces derniers en Ecosse. Après l’avoir jeté au sol comme un vulgaire sac de pommes de terre, la monstrueuse bête lui avait tout simplement brisé le cou. De qui suis-je en train de parler ? Vous vous en doutez bien, … du jeune chevalier de bronze du poisson austral.

Alors qu’il était en proie à de lancinantes douleurs qui prenaient naissance aux endroits où le chien spectral l’avait mordu, ce fut le calme et l’obscurité absolue. C’était donc ça la mort ? Un néant total. Un froid ravageur. Un goût de terre dans la bouche. Un goût de terre dans la bouche ?

* Je ne suis pas mort, du moins, pas tout à fait. A moins que mon supplice ne soit de manger de la glaise  jusqu’à la fin des temps. * se dit-t-il en ouvrant les yeux. Le spectacle n’avait rien de réjouissant cependant. S’il n’était pas entièrement mort, il ne tarderait pas à l’être, en tout cas. Autour de lui, un monde désolé et une rivière large comme un bras de mer, et qui semblait s’étendre à perte de vue. Et ces … choses. Plus vraiment humaines, pas encore mortes. Des âmes.

« Voilà donc à quoi j’ai été réduit, une pauvre âme ? » dit-il à haute voix en se regardant les mains avant d’éclater de rire. C’était pathétique. Une première mission et il avait été terrassé par son adversaire, il y avait de quoi se remettre un poil en question. Etait-ce son entrainement qui n’avait pas été au point ? Il en doutait, Marcus n’avait pas lésiné sur ce dernier, sachant à quel point être au top était important pour la survie d’un chevalier. Est-ce qu’il avait commis une erreur grave ? Si c’était le cas, il avait beau se creuser la cervelle, il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Alors peut-être que, tout simplement, son adversaire était d’un tout autre niveau ? Après tout, son camarade n'avait pas non plus été en mesure de lui faire le moindre mal, et il s'agissait tout de même d'un légendaire chevalier d'or !

« Peu importe. » se répondit-il une fois calmé. Et maintenant, qu’allait-il advenir du jeune homme ? Un plongeon dans les enfers ? Il espérait qu’au moins, ils sauraient s’amuser là-bas, s’il avait bien compris le principe du lieu, on y entrait, et on n’en sortait plus vraiment…  Le chevalier d’Athéna s’assit sur une pierre pour analyser la situation, et remarqua qu’il portait toujours son armure. C’était étonnant qu’elle ne fusse pas restée sur place, en Ecosse.

* D’un autre côté, vu ce à quoi elle a bien pu me servir … Je crois que j’ai fortement surestimé son utilité. *
Ou peut-être tout simplement, n’en était-il pas encore digne ? L’avait-il seulement été d’ailleurs. Après tout, cela ne faisait même pas un mois qu’il avait été désigné comme chevalier et …

Les morts ne cessaient de grommeler, de geindre, de se plaindre, de pleurer. Si cela pouvait surement être supportable pour les habitués du coin, ce bruit incessant commença vite à irriter le jeune saint de bronze. Entre ce son incessant et la brume qui habitait le lieu, on peut dire que l’ambiance n’était pas à la fanfaronnade. D’un autre côté, ils étaient actuellement aux portes des enfers, et ne disait-on pas que celui qui y pénétrait abandonnait tout espoir ? Le jeune homme espérait que la maxime était erronée, n’ayant aucune chance de moisir en ce lieu. S’il devait atteindre un cercle où il serait torturé jusqu’à la fin des temps, autant que ce fusse le plus vite. Le castillan avait rapidement écarté la possibilité de rester sur cette rive en évitant tout passage pendant quelques siècles. Déjà, il n’appréciait que très moyennement la compagnie des âmes. De plus, c’était une sorte de manque de respect à toute l’organisation des enfers, et loin de lui l’idée de vouloir énerver le maître des lieux.

* Et puis faut pas se leurrer, je dois pas être le premier rigolo venu avec une armure sur le dos qui tente de rouler le chef du coin. Faut pas se prendre pour plus malin que le Malin. Ou un truc dans le genre. Tiens c’est qui ça ? * pensait le jeune homme lorsque Nerfertis surgit de la brume, sur son embarcation.

La nouvelle venue posa pied sur terre et l’invita froidement à prendre place sur sa pirogue. Aratos regarda son interlocutrice puis son bac, avant de hausser les épaules, et de sourire. S’il n’avait pas le choix, autant rester docile. Et courtois surtout.

« Enchanté Nerfertis, gardienne de l’Archéron. Je m’appelle Aratos, mais je doute que cela t’intéresse. Tu as du faire traverser une tripotée de branquignoles comme moi, je ne tiendrais donc pas rigueur  du fait que tu m’oublies aussitôt déposé de l’autre côté. Allons y donc, puisque je dois être jugé, autant que ce soit fait… » répondit-il d’une voie enjouée, en replaçant maladroitement ce qui restait de son casque.  Enjambant l’eau, il prit place dans le bateau et décida de garder le silence, ce qui semblait arranger la passeuse, qui se contentait de faire avancer le navire.

* Je me demande bien ce qui m’attend. Un jugement donc ? Allons donc. Je me demande bien qui peut être assez puissant pour décider du sort des âmes de passage. Espérons qu’il soit magnanime… on peut rêver, non ? * se surprit-il à penser avant de chasser ces idées de son esprit. Abandonne tout espoir. Abandonne. Tout. Espoir.

[Destination : Première Prison]