Sceller son destin

Assise au sommet du temple de la déesse de la guerre, comme si elle avait été déposée là par le vent chaud qui souffle sur les terres saintes d'Athéna, une jeune femme à l'ample chevelure châtain fixe les douze temples du zodiaque qui se dessinent presque jusqu'à l'horizon. Un sourire bienveillant orne ses traits fins tandis qu'elle admire ce paysage tant aimé. Une terre qu'elle n'avait plus revue depuis bien des années.

Troublant soudainement la tranquillité solennelle des lieux, comme la présence d'un enfant viendrait égayer la morne existence d'un adulte trop abattu par la vie pour se souvenir que le rire existe, une voix stridente, aux aigus percutants, brise le silence du temple de la fille de Zeus.

- Naninanaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

Le sourire de la jeune femme s'élargit alors qu'elle n'aperçoit même pas encore l'auteur de cette sommation presque désespérée. Nul besoin de la voir pour savoir qui elle est. Quiconque aura croisé la route de cette petite boule de poils, se souviendra à jamais de l'expression enfantine qui anime ses traits en permanence et de la candeur parfois désarmante avec laquelle elle s'adresse aux autres.

- Nao Dit-elle simplement d'une voix légère, tandis que ses prunelles fixent le sol de marbre qui s'étend sous ses pieds.

Sur ce même sol de sable se tient... un tout petit koala. Son pelage grisonnant est parsemé de poils blancs qui viennent ajouter une touche de clarté dans cette toison de perle.
L'animal sautille dans tous les sens en agitant ses courtes pattes de devant.

- Nan mais descends de là tout de suite veux-tu ?!!! T'es hyper haut !!! J'ai pas d'ailes moua !!!

C'est dans un rire amusé que la brune obtempère à l'ordre de la peluche. Doucement elle se redresse, debout sur le toit du temple qui se trouve tout de même à une certaine hauteur du sol.
Mais ni l'humaine, ni l'animal ne semblent inquiets de la manière dont elle pourrait bien s'y prendre pour descendre de son perchoir sans se casser une jambe. Légèrement, un pas après l'autre, la frêle silhouette s'élance vers le rebord du toit d'albâtre qui ne se trouve qu'à quelques mètres. Au moment où ses pieds quittent le contact de la pierre, un éclair orangé fend le paysage dans sa direction. Et lorsqu'elle touche enfin le sol du temple, ce ne sont pas les jambes humaines qui la réceptionnent, mais les quatre puissantes pattes d'un tigre au pelage roux.

- Ah mince ! T'es encore là toi ?

C'est dans un claquement de mâchoire que le félin répond au koala alors qu'Ahina descend de sa majestueuse monture en éclatant de rire.

- Ne commencez pas tous les deux. Dit-elle d'un ton plus amusé que réellement contrarié.

- En attendant si Bisbis t'avait vu faire un truc pareil, tu serais bonne pour le sermon qui va bien ! En plus il aurait fait une attaque j'chuis sûre ! Le pÖvre !!!

Un nouveau sourire illumine le visage de la jeune femme à l'énonciation d'un nom chéri depuis bien des années. Biscione... Chevalier ayant eu l'insigne honneur d'avoir été choisi par la constellation du Scorpion depuis bien longtemps. Biscione... qu'elle eut nommé Grand Pope il y a tant d'années lui semble-t-il.
Il fut toujours un ami précieux et un indéfectible allié. Quoi qu'il se passa, quelles que furent les difficultés et même lorsqu'elle traversa cette étrange période semée d'ombres et d'inquiétudes. Toujours, il fut toujours à ses côtés.

- Ahina

Sortant de l'ombre du temple, comme si l'imposante bâtisse avait choisi d'elle même de le rendre au monde des humains, un second tigre un peu moins large que le premier fait son apparition. Son pelage est aussi blanc que les premières neiges d'Asgard. Ses prunelles, d'un bleu aussi clair que le ciel, semblent scruter au plus profond de ce qu'elles contemplent. Sa seule présence apaiserait les coeurs les plus sombres, les âmes les plus tourmentées.

- Kyô Dit-elle d'une voix douce alors que le plat de sa main se pose sur la puissante tête diaphane striée de sombres rayures.

N'y tenant plus, la petite Nao se précipite vers la jeune femme en se dandinant comme une oie qui tenterait de courir bien trop vite pour ses deux seules pattes. Manquant de s'étaler quatre fois sur les quelques mètres qui la séparent de son amie, elle finit par s'agripper à une jambe, escaladant la brune comme si il s'agissait d'un simple arbre.

- Je suis désolée Nao. Ça n'a pas du être simple pour toi de rester toute seule ici. Dit-elle en posant une main affectueuse sur la petite tête blottie dans le creux de son cou.

Le koala pleure de grosses larmes et renifle bruyamment mais ne formule pas le moindre mot.
Le tigre au pelage d'automne s'affale lourdement sur le sol en extirpant un soupir. Le félin blanc ferme ses prunelles d'océan.

- Pourquoi tu es revenue ? On reprend du service ??? hein dis dis dis !!! Demande-t-elle en extirpant sa tête poilue du cou, tout en fixant Ahina avec de gros yeux ronds.

C'est ainsi qu'est Nao. Elle pleure, elle rit, elle hurle, elle est fâchée ou ravie, le tout en une fraction de secondes. Une brève expression amusée passe sur le visage de la brune. Elle a toujours des façons de s'exprimer qui frisent l'improbable. Mais cela fait bien des années qu'elle ne s'en formalise plus.

Les iris profonds de l'humaine se posent sur l'imposante statue de la déesse Athéna qui domine le sanctuaire sacrée de toute sa splendeur. Que de temps passé... que d'années se sont écoulées depuis le premier jour où elle vint ici. Son coeur est léger, son âme est apaisée, son esprit est ouvert.

- Athéna... est dans une impasse. Commence-t-elle à voix basse en posant des yeux doux sur Nao. Notre déesse a besoin de nous et nous nous devons de répondre à son appel. Tu vas bientôt rencontrer le réceptacle d'Athéna, celui qu'elle a choisi. Je te prierai de ne pas lui sauter dessus et le couvrir de bisous lorsqu'il se présentera. Achève-t-elle en esquissant un radieux sourire.

- Quoi ??? Meuh non ! Comme si c'était mon genre ! Lâche-t-elle, vexée comme une teigne, en gonflant les joues.

- Kyô...

- Je sais

L'imposant tigre blanc n'a pas besoin qu'elle achève sa phrase pour comprendre la requête qu'elle souhaite lui confier. D'un bond l'animal s'élance à travers le grand escalier de pierre qui descend vers la maison du Grand Pope, à la recherche de son propriétaire.
Un léger sourire se dessine sur les lèvres rosées de la jeune femme tandis qu'elle le regarde s'éloigner à vive allure.

Qu'il est difficile et étrange de décrire par des mots le lien qui a toujours uni la déesse à l'humaine. Autrefois, il y a de cela bien longtemps, chacune était parfaitement dissociée de l'autre. La Sagesse parcourait les âges à travers des corps différents, c'était le choix qu'elle avait toujours fait. Se fondre avec l'humanité pour mieux la protéger, a toujours été l'apanage d'Athéna.
Une décision, un choix, qui n'a pourtant pas toujours été facile. Car la cohabitation parfaite entre l'âme de la déesse et celle d'un humain est quelque chose qui ne s'est vu qu'une fois au cours des siècles derniers.

C'était l'étrange et mystique alchimie qui s'était opérée entre elles. Comment définir correctement ce fameux jour. Comment expliquer ce qu'il se passa vraiment.
Si l'on devait résumer le plus simplement possible, on pourrait dire que leurs âmes avaient fusionné sans que celle d'Ahina ne disparaisse comme cela était de coutume et d'obligation pour la plupart des corps d'emprunt de la divinité. Elles s'étaient mutuellement choisies.
Depuis ce jour, Ahina restait une partie de la déesse, comme un bijoux dont elle se défaisait parfois pour différentes raisons, mais qui lui appartenait pour l'éternité et ferait à jamais corps avec elle.

Une douce brise se lève, amenant avec elle les effluves d'un cosmos bienveillant. Une aura à la puissance paisible qui n'appartient à nul autre que celui qu'elle attend.
Le tigre roux fixe de ses prunelles de jade le chevalier d'or dont le pas tranquille le mène jusqu'à eux. Même Nao ne trouve rien à dire pour une fois. Le petit koala se contente de rester accroché au cou de la jeune femme dont les prunelles se posent avec tendresse sur Orion.
Annihilant la faible distance qui les sépare encore, et alors que l'émotion enserre leurs poitrines, Ahina prend ses mains au creux des siennes en lui adressant un paisible sourire.

- Je te remercie de ta bienveillance, Orion. Dit-elle à demie voix en plongeant ses prunelles d'automne dans celles du chevalier d'or.

Au moment où leurs mains entrent en contact, l'imposante statue de la déesse s'illumine d'une douce lueur. Réconfortante, chaleureuse, l'énergie divine s'immisce dans le coeur de chacun et s'éveille en Orion.
Lorsqu'elle ressent le cosmos bienveillant d'Athéna, une fine lueur dorée embrase les prunelles de la jeune femme. Un sourire se dessine sur ses lèvres. Contrastant parfaitement avec l'image sereine qu'elle renvoie, une fine larme, une unique perle d'eau, dévale rapidement la joue pâle. Une réaction de profonde émotion, mais aussi purement physique, le corps d'Ahina réagissant spontanément face aux sensations tant aimées qu'elle ressent de nouveau.

- Tu sais pourquoi je suis ici... N'est-ce pas Orion

Une question qui n'en est pas vraiment une finalement. Car chacun d'eux sait où est son devoir, sait où est sa tâche, sait comment l'accomplir.

- Je te regarde depuis toutes ces années. Je n'ai cessé de t'observer, dans les choix que tu as fait et dans tes actes. Murmure-t-elle en fermant les paupières. Je suis infiniment désolée Orion... Tu as affronté de nombreuses épreuves que tu n'aurais jamais du subir. Ton courage, ta loyauté, ta dévotion... ont été précieuses en ces temps, passé lointain comme plus récents. Le monde te doit tant, car il y a bien longtemps que tes actes ont dépassé de loin les frontières du Sanctuaire.

L'émotion qui enserre le coeur de son chevalier ne peut que contaminer celui de la jeune femme. Car rares sont les êtres humains, même parmi ses propres chevaliers de jadis, à réellement comprendre toute la teneur du lien qui a toujours uni Athéna à l'humanité. Doucement... lentement... once par once, tel un fluide léger s'insinuant par chaque pore de sa peau, Ahina redevient celle qu'elle a été pendant bien des années.
Et si elle restait en communion avec les êtres de ce monde, se retrouver une fois encore à accueillir l'âme et l'énergie d'Athéna rend désormais cette communion parfaite.
Cela a toujours été ainsi et c'est bien cela que certaines divinités, Hadès en premier, n'ont jamais réussi à comprendre. La souffrance de l'humanité, d'un seul de ses guerriers, peut faire couler des larmes de sang sur ses joues diaphanes. Il est par conséquent impossible qu'elle ne soit pas sensible à ce savant mélange de bonheur et de tristesse qui serre la poitrine d'Orion.

- Ne réalises-tu pas Orion... Commence-t-elle en s'agenouillant à son tour, saisissant le visage du chevalier d'or entre ses paumes. Ne sais-tu pas qu'il existe peu d'hommes comme toi en ce monde ?

Un paisible sourire se dessine sur son visage, Nao dégringolant de son épaule en rebondissant comme une balle toute molle au contact du sol.

- J'aime l'humanité depuis toujours et du plus profond de mon coeur. A ses mots, les prunelles d'automne se teintent d'or, un puissant cosmos aux ondes bienveillantes irradiant doucement autour de son corps. Mais tu dois avoir conscience que tu es bien plus que cela Orion. Chaque chevalier est un élu. Chacun d'entre vous possède une destinée qu'aucun ne réalise vraiment, toi encore plus que les autres.

D'un geste doux, les paumes de ses mains redressent le visage du Bélier.

- Les âmes... les corps... qui peuvent accueillir mon âme sont très peu nombreux. Je t'ai choisi Orion. Je t'ai choisi toi parce que tu étais capable de supporter cette charge. Parce que ton âme est aussi pure que celle d'Eiréné, ma jeune soeur source de paix.

Un léger sourire teinté d'amertume voile quelques brefs instants la douceur de ses traits.

- Mon père a rendu cette sentence et il a eu raison de le faire. Mais pas pour les raisons que lui et mes frères ont invoquées. Arès est fourbe et manipulateur, peut être autant si ce n'est plus qu'Hadès lui même. Mais chacun d'entre eux sait pertinemment qui je suis et quel est mon rôle dans ce monde, depuis des temps immémoriaux. Je t'avais choisi Orion. J'avais toute confiance en toi et à jamais celle-ci te sera acquise. Face à Kazuki, dont la puissance est à l'équivalent de celle d'un dieu, face à Thanatos, la mort elle même, tu n'avais pas d'autres choix si tu voulais préserver l'humanité. Or c'est ce que font les chevaliers du Sanctuaire depuis toujours. Les raisons invoquées... étaient donc parfaitement caduques.
Cependant, il est bien que le jugement eut été celui-ci.

Ses paumes glissent doucement des joues d'Orion, filant rapidement sur l'arrondi des épaules de métal avant que ses bras n'entourent son chevalier. Athéna ferme doucement les yeux alors qu'elle pose sa joue contre celle de son chevalier d'or. A cet instant son cosmos explose telle une gerbe de lumière, dévalant les marches, grimpant le long des larges colonnes, s'insinuant dans chaque maison du Sanctuaire, jusqu'à et y compris dans le propre corps d'Orion.

- Je te décharge de ce fardeau, mon cher ami. Aujourd'hui, c'est à moi de te protéger.

Sur ces mots, le tigre roux se redresse de toute sa hauteur, fixant le duo de ses prunelles de jade, tandis que le petit koala se met à pleurer tout ce qu'elle peut.

Il existe beaucoup de preux et loyaux chevaliers en ce monde. Quelles que soient leurs tâches, quelle que soit la divinité qu'ils servent, le but auquel ils aspirent, ils sont nombreux à être valeureux.
A chaque fois que ses prunelles effleurent l'un des siens, Athéna considère toujours avec justesse la chance qui est la sienne depuis des temps immémoriaux. Certains ont leur part d'ombres, il est vrai... Scareface, est de ceux-là.

- Ne sois pas trop sévère avec toi même Orion. Dit-elle dans un sourire. Je suis très fière de te compter parmi mes chevaliers d'or et le lien qui nous unit sera désormais plus fort que jamais.

Tout en se relevant, Ahina baisse les yeux vers les paumes du Bélier. Lorsque la larme qui s'écoule de sa joue touche le creux de ses mains, une douce lumière en jaillit, comme une perle baignée par les rayons du soleil.
Une pierre précieuse naît de cette union entre larme, vie, âme et cosmos. Un joyau d'un vert d'eau profond, d'une transparence presque divine.
La déesse fixe le présent que lui offre alors Orion sans mot dire. Sa main s'élève vers le ciel, rejoignant sa poitrine alors qu'elle serre entre ses doigts le pendentif qu'elle porte actuellement. Constitué d'un métal qui n'existe pas sur terre, il a la forme de deux ailes entremêlées. L'une semble être celle d'un ange, l'autre ressemble à une aile de dragon. Un dragon... qui s'avère être une wyvern pour être parfaitement exact.
Symbole de la dualité, de l'opposition et, même si cela est terrifiant aux yeux de bien des siens, de la complémentarité qui scelle le destin du Sanctuaire et des Enfers.

Ce pendentif lui a été offert il y a de cela bien longtemps... par l'ancien spectre de la Wyvern, juge d'Hadès, dont le nom était Vaelastrasz. Un cadeau bien étrange, un symbole incompréhensible pour la majorité des Saints d'Athéna. Il lui fut offert dans des conditions bien particulières, à une époque lointaine, et par un être tout aussi particulier...
Elle n'avait jamais cessé de le porter depuis ce jour. Peut être... est-il temps de tirer un trait sur ce bijou et ce qu'il représente.
Les doigts fins de la déesse relâchent le pendentif très doucement. Lorsque sa main le libère définitivement l'émeraude d'Orion siège en lieu et place du pendentif de la Wyvern.

- Je te remercie de ton présent Orion. Il revêt un symbole tout particulier pour moi. Je te promets de ne jamais le quitter. Achève-t-elle dans un sourire bienveillant.

Mais derrière ce sourire, aussi sincère soit-il, il est facile de discerner un peu de tristesse.

- Wahouuuuuuuuuuu c'est trop beau !!!

Un rire amusé s'échappe des lèvres rosées de la déesse. Etonnant qu'elle ne soit pas manifestée plus tôt... pense-t-elle en baissant les yeux vers le koala soudainement surexcité.

- Tu n'as pas eu l'occasion de les rencontrer jusqu'à présent. Alors Orion, je te présente Nao et Toboe. Dit-elle alors que son regard se tourne vers le tigre roux dont les prunelles perçantes n'ont cessé de fixer le chevalier d'or depuis le départ.

- Toboe me quitte rarement. Il est un ami précieux et aussi...

- Sa garde rapprochée. Achève l'animal d'une voix presque gutturale.

Sur l'instant Athéna hausse légèrement un sourcil. Pas pour ce qu'il dit, car finalement c'est la vérité. Car si Athéna a souvent échappé à nombre de périls grâce à ses chevaliers, il est aussi vrai de dire que Kyô et Toboe ont aussi maintes fois participé directement ou indirectement.
Non, ce qui l'étonne à cet instant, c'est le simple fait de l'entendre parler. Toboe ne parle jamais à personne en dehors d'elle et il s'y prend souvent par les voix de la pensée. Même s'il ne s'agit que de trois mots, il est bien qu'Orion puisse l'entendre... au moins une fois.

- Tu as peut être croisé un autre tigre en venant ici, un tigre blanc. Commence-t-elle en reposant les yeux sur le chevalier d'or. Il s'agit de Kyô. Il existe en tout douze entités animales sacrées, à l'égal des douze maisons du zodiaque. Certains sont étroitement liés à des Saints, pas forcément d'or, et d'autres sont libres, sans aucune attache. Mais il n'est pas vraiment temps de s'entretenir de tout cela aujourd'hui...

Sa voix traine légèrement tandis que les prunelles dorées de la déesse s'échappent quelques secondes vers l'horizon.

- Il semble que quelqu'un t'attende avec grande impatience Orion. Dit-elle en reposant les yeux sur lui. Vas... retrouver cette nouvelle âme. Nous nous retrouverons bientôt.

Alors qu'elle achève ses mots dans un sourire, Nao se rapproche d'Orion en se dandinant comme un canard, comme à son habitude dès qu'elle essaie de marcher plus vite qu'elle ne le peut.
Du haut de ses... 30 centimètres... elle saisit le bas de la cape d'Orion de sa patte avant.

- T'es sympa toua j't'aimeu bien ! Tu reviens vite ?

Pour mémoire :
Nao est un petit koala haut comme trois pommes à la fourrure gris claire - Toboe est un tigre roux, large et puissant, aux grands yeux verts - Kyô est un tigre blanc, imposant mais nettement moins que Toboe, ses prunelles sont bleues. Ce dernier n'est pas présent, si vous l'avez croisé c'est quand il faisait route vers le palais du grand pope

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Ahina regarde Orion s'éloigner sans ajouter un mot de plus. Sa main se referme sur le pendentif qui trône désormais à la naissance de son cou alors qu'un léger sourire étire doucement ses lèvres. Le Bélier est un homme sage et courageux. Il est bon de l'avoir au Sanctuaire, pense-t-elle alors qu'elle se laisse choir contre le pied imposant de sa propre statue en extirpant un soupir.
Appuyant sa nuque contre la pierre, elle lève les yeux vers le ciel. C'est une belle journée, seuls quelques nuages parsèment le ciel azuré de leur discrète présence.
Le petit koala grimpe le long de ses jambes repliées et s'installe au sommet de ses genoux. Lorsqu'Ahina baisse les yeux sur elle, elle constate que les yeux de l'animal sont baignés de larmes.

- Nao... que t'arrive-t-il...? Demande-t-elle en caressant la tête poilue.

- T'as entendu ce qu'il a dit... Murmure-t-elle entre deux reniflements.

En quelques secondes Athéna se remémore les mots qu'Orion adressa à la petite créature. Mais elle a beau chercher, son regard interrogateur semble indiquer qu'elle ne comprend vraiment pas l'origine des larmes du koala.

- Il m'a prise pour un mâleeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeee. Se met-elle à hurler comme une sirène.

Les lèvres d'Ahina s'entrouvrent légèrement tandis qu'elle fixe Nao avec des yeux ronds quelques longues secondes. "Protecteur"... avait-il dit. La jeune femme à la longue chevelure d'automne éclate de rire en frottant le crâne de la petite peluche qui continue inlassablement de pleurer tout ce qu'elle peut.

- Ça n'est pas bien grave tu sais. Il est difficile de reconnaître le sexe d'un animal... bien que ton pelage soit exquis ma Nao ! Lance-t-elle alors qu'elle est gagnée par un fou rire presque incontrôlable.

Tout d'abord vexée par les mots de son amie, Nao finit par se laisser contaminer par le rire cristallin de la déesse, et dans une vision absolument aberrante pour n'importe quel être humain, Athéna et son koala sont prises d'un fou rire qui mettra de longues minutes à se dissiper. Le tout sous le regard du tigre roux qui s'affale au soleil en leur tournant le dos tout en lâchant un soupir on ne peut plus sonore.

- Toua t'as pas d'humour de toutes façons ! Lui lance-t-elle en tirant sa toute petite langue rose vers le tigre qui n'en a visiblement cure.

Le silence retombe peu à peu sur le palais d'Athéna et ses alentours.
La déesse se demande ce qui peut bien retenir Biscione... Cela commence à faire un moment que Kyô est parti le chercher... N'aurait-il pas envie de la revoir...? Non, cela n'est pas possible, elle n'a aucun doute sur ce point. Tandis qu'elle se laisse aller à ses pensées, se remémorant son procès d'il y a peu, l'attitude hautaine d'Arès, la distance d'Apollon, l'étrange attitude presque amicale de Perséphone, et la sévérité de Zeus... une aura se distingue peu à peu non loin du palais.
Une aura qu'elle observe depuis quelques années maintenant. Car elle sait parfaitement bien à qui elle appartient.

En l'espace de quelques minutes Pégase étend ses larges ailes en amorçant sa descente vers la statue contre laquelle elle est assise. Le chevalier de bronze se pose de l'autre côté de l'imposante représentation divine, si bien que la statue occulte complètement Ahina de sa vue. Mais comme ses mots le confirment, il la ressent sans avoir besoin de la voir. Elle le laisse méditer quelques secondes, écoutant avec attention ce qu'il psalmodie à voix très basse. Ce n'est qu'au bout de quelques minutes qu'Ahina prend Nao au creux de ses bras et se penche vers Tenshu tout en restant assise dans un premier temps. Son visage diaphane et une épaule seuls apparaissent de derrière le socle de pierre.

- Je pense qu'il doit s'agir du mien. Commence-t-elle en lui adressant un sourire. Mais il n'est nul besoin d'être perturbé pour cela... Tenshu.

L'imposant tigre roux n'a pas bougé une oreille. Visiblement il ne considère pas Tenshu comme une menace. Cela pourrait paraître évident... mais les critères de Toboe quant à ce qui pourrait ou non revêtir un danger pour Athéna sont parfois un peu... étonnants, voire incompréhensibles.
La jeune femme se lève doucement tout en reposant le koala miniature sur le sol. Faisant quelques pas, suivie de près par la créature à poils gris, elle apparait totalement sous les yeux de son chevalier.
Ne semblant pas avoir plus d'une trentaine d'années, elle se présente avec une longue chevelure d'automne qui dégringole le long de ses épaules pour achever sa lourde chute en bas du dos. Vêtue d'une robe blanche qui lui tombe jusqu'aux pieds, son corps est si fin qu'on pourrait craindre qu'il ne se brise à la moindre tempête. Ses prunelles dorées se posent avec bienveillance sur le jeune chevalier dont le genoux est toujours à terre, face à sa propre statue.

- J'étais impatiente de faire enfin ta connaissance Tenshu. Dit-elle d'une voix douce en fixant le jeune homme avec attention.

Un voilà un qui n'a pas conscience de tout ce qu'il est... de tout ce qu'il représente... Il est encore bien loin d'avoir connaissance de tant de choses qu'il devrait pourtant savoir depuis bien longtemps. Est-ce à elle de les lui révéler ? Certainement pas, car chacun doit traverser les épreuves qui feront de lui ce qu'il doit être.
Mais elle le soutiendra et l'aidera dans le long cheminement qui est le sien.

Tenshu, tout comme son aîné précédemment, les balbutiements de la jeunesse en plus, rougit, bafouille, s'excuse. Des sentiments qui ne font que s’accroître dès lors qu'il réalise qui se tient devant lui.
Finalement il l'a toujours su. Depuis le départ, dès les premières onces de cosmos, il savait parfaitement qui elle était. Mais la crainte, la peur de l'erreur, tous ces sentiments tellement humains, ont enserré son coeur au point où il lui fallut une preuve irréfutable pour enfin oser croire.

- Tenshu... Dit-elle d'une voix très douce en faisant quelques pas vers lui.

Arrivée à sa hauteur, le chevalier ayant toujours un genoux à terre alors que son visage reste obstinément baissé vers le sol de pierre, Athéna le toise d'un regard empli de bienveillance.
Lorsqu'il se relève, elle le détaille avec l'attention d'une mère qui n'aurait pas contemplé son enfant depuis bien trop longtemps. Les muscles saillants, le corps élancé, une épaisse chevelure rouge en bataille, de grands yeux d'un vert très clair. Il est devenu un homme maintenant.
Mais plus qu'en mère... c'est en soeur qu'elle admire celui qui se tient devant elle. Car il n'est autre que son petit frère, un cadet caché aux yeux du monde, jusqu'à et y compris aux siens.

Elle écoute ses mots, elle ressent son chagrin et l'immense joie qui inonde pourtant son coeur. Des sentiments contraires, une dualité qui demeure bien souvent dans l'âme de bien des mortels de ce monde. Elle perçoit l'ombre qui l'envahit. Ses paupières se froissent presque imperceptiblement tandis que la légère fluctuation de l'aura de Tenshu pénètre son esprit divin.
Ahina avait longtemps contemplé l'évolution du jeune homme, mais elle n'était pas au courant de tout ce qui avait agité sa vie. Une chose est certaine... cette ombre, n'était pas là avant.

- Chaque Saint est une perle qui brille en ce monde Tenshu. Dit-elle dans un premier temps en saisissant ses mains dans les siennes, tout comme elle l'avait fait avec Orion précédemment. Chacun d'entre vous est vital, important pour cette terre. C'est ainsi qu'ont toujours été les choses. Dit-elle avec une pointe d'amusement alors qu'elle répète mot pour mot les paroles de son jeune chevalier.

Sans que cela ne se perçoive pour autant, l'expression des traits de la déesse restant parfaitement doux sans qu'aucune ombre ne vienne assombrir son visage, le coeur de la déesse se serre néanmoins un peu à l'évocation de ses propres mots. Bien sûr qu'il revêt une importance toute particulière à ses yeux... mais il n'est pas encore temps de lui révéler cela.
Le retour d'une divinité est toujours un évènement heureux, mais aussi un peu perturbant pour chacun d'entre eux. Ceux qu'elle connaissait auparavant et qu'elle retrouve, ceux qui ne la connaissent pas ainsi et devront apprendre d'elle. Même si leur relation est en dehors des autres, elle le vit bien avec Orion il y a à peine quelques dizaines de minutes. Il était heureux, cela est vrai. Et pourtant cela n'a pas empêché qu'il reparte le coeur lourd.
Il n'est pas encore temps pour Tenshu... mais ce temps... viendra plus tôt qu'il ne pourrait l'imaginer.

Son prêtre est le suivant à se présenter. Athéna le regarde approcher tandis que ses mains relâchent celles du jeune Pégase. Bérénice... Sévérité, humour, altruisme, force, protection, le tout parsemé d'une certaine dose de dérision et tout cela rassemblé dans un même corps.
Il lui tardait de rencontrer cet homme hors du commun. Un homme dont la tâche ardue est de la représenter en terre des hommes. Un porte parole, un confident, un allié sûr et de confiance.
Un sourire amusé se dessine sur les lèvres de la jeune femme tandis qu'il sermonne Tenshu. Se contentant d'observer la scène dans un sourire, la déesse n'intervient à aucun moment. Il serait malvenu de passer outre l'autorité de son représentant, et ce court échange lui permet déjà de constater tout le respect dont Tenshu fait preuve à l'égard du prêtre.

- Je te connais Bérénice. Commence-t-elle alors qu'il se présente à elle. Tout comme tu me connais également, même si mon visage t'était jusqu'à présent inconnu.

Elle observe quelques secondes de silence tandis qu'elle sonde l'homme qui se trouve devant elle.

- Ahina ou Athéna. L'une ou l'autre, l'une avec l'autre, l'une en l'autre, je reste la même pour toi et tous les Saints de cette terre sacrée. Finit-elle par dire en brisant le silence.

D'un pas elle annihile la distance qui la sépare de son prêtre, non sans poser brièvement les yeux sur Tenshu, avant de les reposer sur Bérénice.

- Je te remercie Bérénice. Dit-elle en penchant légèrement son visage de côté tout en lui adressant un radieux sourire. Tu as été d'une grande aide pour tous nos chevaliers. Tes conseils, ta protection, ton courage et ton humour, sont des armes dont tu ne devras jamais te défaire, quelques soient les temps que nous aurons bientôt à traverser.

Dans un sous entendu lourd de sens, Athéna ne fait que promulguer à voix haute une prédiction que chacun porte déjà dans son coeur. Son retour, de tous temps à jamais, est toujours synonyme de bonheur mais aussi de danger. Il est fort probable que de nouveaux évènements ne tarderont plus à se manifester sur terre et au Sanctuaire sacré. Car si certaines divinités se réincarnent pour x ou y raisons, les retours d'Athéna sur terre ont toujours eu un sens particulier et une véritable raison d'être. Celui-ci peut être plus que tous les autres...

Outre l'échange normal qui a lieu entre son chevalier et son représentant, Bérénice vient d'exprimer plus que clairement que le Grand Pope n'était pas au Sanctuaire. Or... il en est tout autre, Athéna le sait parfaitement bien.
Un pâle sourire éclaire brièvement le visage de la déesse aux premiers mots de son prêtre. Ce sourire aux accents amers n'échappe ni au tigre dont les prunelles de jade toisent Ahina avec insistance, ni au petit koala qui saisit alors un pan de sa longue robe diaphane en la tirant vers lui.

- Dis... pourquoi il n'est toujours pas là Bisbis...

Un silence de plomb s'abat sur l'âme à de la déesse à cet instant.
Biscione a toujours fait ce qu'il voulait. Réfléchi, posé, consciencieux, les qualificatifs à la hauteur de ce qu'il est sont nombreux. Et parmi ceux-ci, il serait aisé d'y ajouter une part de secrets et de mystère. Il est de coutume que le Grand Pope se retire dans un coin isolé de son temple en occultant son cosmos aux sens des autres.
Mais il pourra se reclure aussi longtemps qu'il le souhaite, il pourra cacher son aura à la vue de chacun, jamais il ne pourra tromper son amie et sa déesse. Alors pourquoi... Kyô est parti il y a près d'une heure maintenant, alors que le temple de Biscione n'est qu'à quelques pas. Pourquoi... alors qu'il la sait ici depuis le départ... pourquoi n'est-il toujours pas présent à ses côtés...

- Je... je ne sais pas Nao. Finit-elle par dire à demi mots.

Athéna revient quelque peu à la réalité présente par la sensation de douceur mêlée de force qui enserre sa main. Ses prunelles dorées oscillent vers son prêtre qui vient de mettre un genou en terre.
Sans qu'un mot ne soit prononcé, elle fixe Bérénice dont la solennité est pour le moins impressionnante. Un paisible sourire se dessine sur son visage, chassant pour l'heure la tristesse que lui inflige Biscione, sans doute sans vraiment l'avoir voulue.
Chacun est tellement différent... et pourtant chacun forme un tout dont l'humanité, pour une grande partie en tous cas, n'a aucune réelle conscience. Grave, solennel, gai, accourant, calme, colérique... ils ont chacun une manière bien particulière et propre de retrouver Athéna. C'est une chose, quelle que soit la façon dont chacun réagit, qui la touche au plus profond d'elle même.

- L'un ou l'autre... cela n'a pas d'importance car je suis les deux rassemblés. Lui répond-elle d'une voix douce. Choisis celui que tu préfères. Achève-t-elle dans un sourire amusé.

- De "simples" prêtres... cela n'existe pas mon cher ami. Qui que tu aies été par le passé, quelle que soit ton expérience, quel que soit le statut que tu aies occupé. Tu as été choisi pour être mon représentant en terre des humains. Tu ne peux donc pas être qu'un simple prêtre.

Athéna pose un genou en terre à son tour, posant ses iris de sable sur Bérénice.

- Relèves-toi Bérénice. Ta place ne doit pas être aussi près du sol. Lui dit-elle dans un nouveau sourire avant de se redresser.

Balayant du regard son prêtre et son jeune frère, la déesse se baisse en tendant la main vers Nao. Celle-ci, ayant parfaitement compris et n'attendant que ça depuis de longues minutes, saute sur l'avant bras de la jeune femme et escalade celui-ci jusqu'à trôner en reine amazone sur l'épaule de la brune.

- J'ai tant de chances de vous avoir... Lance-t-elle d'une voix extrêmement douce en fixant tour à tour chacun d'eux.

Athéna secoue doucement le visage en signe de négation lorsque Tenshu demande s'il doit prendre congé.

- Pas encore mon cher Tenshu. Je devrai m'entretenir avec Bérénice et... Biscione, lorsqu'il sera arrivé. Mais j'ai encore quelque chose à te dire.

Lorsque Bérénice reprend la parole, Ahina lève les yeux vers l'imposante statue qui se trouve à quelques mètres d'eux.

- Non je ne l'ai pas encore fait... Commence-t-elle en reposant les yeux sur son prêtre. Avant cela j'attendais...

Les mots de la déesse meurent dans sa gorge alors que Toboe se redresse d'un bond et file comme une flèche vers les grands escaliers qui au choix mènent vers le temple du Grand Pope ou vers celui d'Athéna.
La silhouette du Grand Pope se dévoile enfin. Mais contrairement à ce qu'elle aurait pu imaginer, Biscione ne leur adresse pas le moindre regard et bifurque vers une large colonne contre laquelle il s'adosse. Un majestueux tigre blanc fait son apparition à son tour. Il pose son arrière train dans la poussière du sol en fixant Ahina de ses grands yeux bleus. Il est d'un calme apaisant, serein. Une force tranquille qui se tient à quelques mètres d'eux.

*Ahina écoutes...*

*Non... Ne dis rien Kyô... Merci de me l'avoir ramené...*

Dès qu'ils aperçoivent Biscione, les grands yeux dorés de la déesse s'embuent de larmes dans l'instant.
Coupé dans son élan, car il semblerait qu'elle veuille se confronter directement à la réalité sans avertissement aucun, le majestueux félin de neige ferme doucement ses paupières pâles sans ajouter un mot de plus.

Le puissant tigre roux vire de bord d'un bond avant de se retrouver face à Biscione. En position d'attaque, sa longue queue battant l'air comme s'il allait sauter à la gorge du Grand Pope, il finit par se redresser avec force tout en posant ses deux avant pattes sur les épaules du chevalier d'or. Comme il y a près de dix ans... où leurs retrouvailles s'opérèrent à peu près de la même manière.

*Bordel t'en as mis du temps !* Hurle le tigre roux dans l'esprit du Scorpion.

*Tu vas me la faire pleurer encore !!* Lance-t-il en tournant brièvement la tête vers Ahina.

Dès que Toboe constate que "c'est déjà fait", le tigre repose les pattes sur le sol en poussant un soupir digne du grondement d'un ours mal réveillé.
Alors que le temps et l'espace semblent suspendus au pied de la statue d'Athéna, la déesse s'élance d'un bond vers le chevalier d'or adossé contre son pilier comme un général de Poséidon protégeant son domaine.
Elle court de tout son soûle et lorsqu'elle arrive face à Biscione elle le prend dans ses bras et le serre contre son coeur aussi fort que son corps d'humaine le lui permet.

- Biscione... Je t'en prie... pardonnes moi... Murmure-t-elle en des mots étouffés par les sanglots.

Lorsqu'elle le prend dans ses bras, le cosmos de la déesse explose en une gerbe de lumière aveuglante.
Ces deux là... ont tout traversé ensemble. La peine, la joie, la victoire, la défaite, le malheur... la perte d'êtres chers. Ce qui les lie, a toujours été plus fort que tout. Il faut que cela ne change jamais.

Athéna, Ahina, peu importe. Car l'une dans l'autre, l'une est l'autre.
Jamais la déesse n'avait remis en question les agissements de ses prêtres, quelles que soient l'époque ou les circonstances. Alors c'est dans un sourire bienveillant et un bref hochement de tête qu'elle salue le départ de Bérénice. Il semble tout d'un coup bien pressé. Mais qu'à cela ne tienne, Athéna a une entière confiance en son prêtre. S'il décide de partir, aussi vite, en de telles circonstances, c'est qu'il doit avoir une bonne raison.

Une compréhension qui n'est pas l'apanage de tout le monde en ces lieux...

- Oh he !!! Tu vas où là ??? Se met à hurler le petit koala de sa voix stridente.

Esquissant un bref sourire, la jeune femme reporte son attention sur Tenshu. Son regard se mue alors en une tendresse que les mots auraient bien du mal à qualifier à sa juste valeur. Une affection mêlée d'une certaine once de tristesse.
Un jour la vérité lui sera révélée. Et lorsque cela arrivera, nul doute que le jeune Pégase en sera très affecté. Peut être ne comprendra-t-il pas. Peut être, au contraire, la vérité lui apportera-t-elle un peu de la sérénité qui lui manque parfois... Mais il n'est pas encore temps...

Biscione... se présente enfin devant celle qui l'attendait avec tant d'impatience.
Lorsqu'il lui rend son étreinte, Ahina ne peut retenir un soupire de soulagement. L'âme du chevalier d'or hurle bien au-delà des frontières de son propre corps. Le dépit, l'amertume... s'en rend il compte ?
Elle retient et entend la façon qu'il a de s'adresser à elle. S'extirpant doucement de ses bras, la jeune femme saisit ses mains dans les siennes dans un paisible sourire.

- Tu as perdu la foi mon ami... Mais cela n'est pas inéluctable. Murmure-t-elle dans un souffle afin que seul le Grand Pope n'entende ses mots.

Pourquoi est-il arrivé à cette extrémité ? Finalement lui seul le sait. La déesse ne peut que percevoir l'émoi, la tristesse qui enserrent son coeur et les doutes qui l'assaillent. Pour ce qui est des raisons de cet état... Biscione seul pourra les lui expliquer.

- Pas encore mon cher Tenshu. Dit-elle dans un sourire en se tournant vers le jeune Pégase.

Tout en saisissant la main du Scorpion pour qu'il la suive, Athéna se rapproche de son jeune frère.

- J'ai quelque chose pour toi Tenshu. Dit-elle tout en levant ses paumes en coupe devant elle.

Une douce lueur bleuté jaillit de ses mains ainsi ouvertes vers le ciel. Une étrange atmosphère s'empare des lieux alors que la lumière se fait de plus en plus vive. De la joie, des rires, des sourires... une impression qu'il serait difficile de qualifier s’immisce dans le coeur des deux chevaliers.
La lueur prend forme. Deux grandes oreilles, quatre pattes diaphanes, deux grands yeux rouges sur un pelage d'automne parsemé de blanc, de petites cornes trônant sur son front. La minuscule créature qui se tient désormais bien assise au creux des paumes divines est parfaitement adorable. Clignant plusieurs fois des paupières, ses prunelles tombent nez à nez avec celles du chevalier Pégase auquel elle adresse un large sourire.

La petite créature tourne brièvement les yeux vers Ahina, hochant la tête d'un air entendu sans qu'aucun mot ne soit prononcé pour autant.
Lui répondant dans un sourire, la déesse dépose l'animal sur l'épaule de Tenshu.

- Tenshu, je te fais don de ce petit être. Elle te protègera, t'aidera quand tu en auras besoin, elle sera ta confidente et ton amie. Elle m'est liée tout autant qu'à toi désormais. Ainsi... La déesse fait une légère pose alors que Nao grimpe sur son épaule en tendant la patte vers la créature posée sur celle de Tenshu ...quoi qu'il arrive, je serai toujours à tes côtés et tu pourras me parler à travers elle si tu le souhaites. Posant brièvement en regard amusé sur Nao qui vient de manquer de se casser la figure, la déesse reprend. C'est une cousine de Nao. Précise-t-elle dans un sourire. Tu devras lui donner un nom. Choisis le avec attention, il aura une grande importance dans le futur. Prends bien soin d'elle. Achève-t-elle en reposant les yeux sur son jeune frère.

Pourquoi la déesse fait-elle un don aussi précieux à un chevalier en particulier ? Car Athéna n'a jamais fait de distinction entre ses chevaliers. Pour qu'elle décide d'offrir un tel présent à Tenshu, c'est qu'il doit y avoir une raison des plus importantes à cela. Cela ne pourra pas échapper à l'esprit affuté de Biscione. Sait-il qui est réellement Tenshu ?

Les prunelles d'automne de la déesse dérivent vers l'entrée du Sanctuaire. Un rictus de crispation passe sur ses traits alors que l'émeraude qu'elle porte autour du cou, précieux cadeau d'Orion, s'illumine brièvement.
Un combat oppose le Bélier à une entité dont la folie n'a d'égale que sa brusquerie... Qui peut bien oser profaner la tranquillité de ces lieux... Un fait qui est malheureusement devenu plus que coutumier depuis les derniers siècles.

- Tenshu. Commence-t-elle d'un ton sombre. Rends toi à la maison du Bélier dans l'instant. Là bas tu trouveras un être dont le cosmos est paisible, dont l'aura ne reflète aucune mauvaise intention. Ramène le ici.

Avant qu'il ne disparaisse accomplir sa mission, Ahina l'interpelle.

- Tenshu. Quoi qu'il se passe dans la maison d'Orion, tu ne dois intervenir sous aucun prétexte. Garde bien en tête la mission qui t'est confiée. Achève-t-elle en posant un regard très doux sur le jeune homme.

Lorsque le jeune homme disparait de sa vue, Athéna pose les yeux sur Biscione.

- Mon ami... pardonnes moi quelques instants. J'ai encore quelque chose de très important à faire. Et tu en comprendras très vite la teneur...

Alliant le geste à la parole, Ahina fait quelques pas jusqu'à la statue de la déesse qui de tous temps à jamais culmine sur les plus hauts plateaux du Sanctuaire Sacré. Posant son dos contre l'immense pilier de marbre, la jeune femme étend doucement ses bras vers le ciel. Instantanément un puissant cosmos irradie autour de son corps, une brise chaude, bienveillante, s'éveille en même temps que l'aura de la divinité.
La lueur dorée se mue en nappe de fumée colorée qui se répand doucement en tous lieux du Sanctuaire. Auréolant le temple d'Athéna, s'écoulant le long des marches qui mènent au temple du Grand Pope, puis envahissant la maison des poissons, traversant chaque maison l'une après l'autre jusqu'à inonder de sa puissance le temple du Bélier.
Chaque chevalier, où qu'il se trouve en ce monde, ressent désormais la puissante aura de sa déesse. Un gage d'espoir, un vœu de protection, un sursaut de chaleur enserre chaque cœur.
La sensation est d'autant plus forte pour tous ceux qui se trouvent actuellement au Sanctuaire, jusqu'à et y compris aux étrangers. Plus personne ne peut désormais ignorer que la déesse de la guerre et de la sagesse est de retour.

Doucement l'aura qui entoure le corps d'Athéna se dissipe. La chaude brise qui soufflait jusqu'à lors sur les lieux s'apaise.
Ahina rouvre ses paupières pâles et la première chose que cherchent ses iris n'est nulle autre que son Grand Pope.
Saisissant une nouvelle fois ses mains dans les siennes, la jeune femme lui adresse un paisible sourire.

- Maintenant que nous sommes seuls... veux-tu me parler de ce qui pèse si lourdement sur ton coeur mon ami...?

Comme toujours, Athéna laisse le choix. Elle n'est pas déesse à contraindre ou à imposer. S'il souhaite lui parler, elle sera toujours là pour l'écouter et le réconforter. Apaiser ses doutes et ses craintes... comme il le fit tant de fois par le passé.

Les évènements semblent se précipiter à une allure d'enfers (sans mauvais jeu de mots !) à l'entrée du Sanctuaire. De brèves minutes se sont écoulées depuis qu'Athéna a transmis son cosmos aux siens, et déjà de nouveaux venus aux cosmos plus agressifs les uns que les autres se pressent dans le temple du sage Bélier.
Le regard inquiet de la déesse se perd quelques instants vers les larges marches qui mènent en contrebas. Orion est à bout de fatigue... son combat a été pénible et épuisant. Dans quel état se trouve-t-il...? Finalement la déesse n'a pas de certitudes autre que celle qu'il est vraiment mal en point. Mais Orion est un homme d'or, et pas uniquement en ce qui concerne son rang dans la chevalerie des Saints. Il est fort et vaillant, sage et réfléchi, intelligent et censé. Personne... non personne, ne peut venir à bout de cet homme là.

Reposant ses iris clairs sur son Grand Pope, Ahina s'interroge. Quels évènements ont pu l'amener à être aussi amer aujourd'hui...? Car son soupire ne lui a évidemment pas échappé. Il n'était ni de soulagement, ni d'aise. Non... c'était un soupire de lassitude alors que son cosmos brillait au firmament, redonnant par cet acte symbolique un peu de courage et de chaleur à ses guerriers. Il semble que son tendre ami ne l'ait pas interprété de la sorte... La question qui reste à présent entière est pourquoi...

Il la repousse. Gentiment, sans brusquerie, mais la signification de son geste est aussi douloureuse qu'un poignard en plein coeur. Les paroles qui s'en suivent résonnent comme un effroyable coup de tonnerre dans l'esprit de la déesse. Ainsi le problème est là... Biscione a perdu la foi, comme elle l'avait supposé, mais pire que cela... il a perdu sa foi en elle.

- Biscione... Murmure-t-elle d'une voix presque éteinte alors qu'elle n'ose faire un pas dans sa direction.

- Mais bon sang qu'est-ce que tu nous baves là ????

Il fallait s'y attendre... cela fait de trop longues minutes que Nao se retient. Lui sauter au cou ou lui voler dans les plumes... il semble que le petit koala ait choisi la seconde option avant la première.
Gonflant ses joues poilues pour bien montrer qu'elle n'est pas contente, la créature entreprend de grimper le long de la jambe du chevalier d'or. Evidemment ses pattes glissent sur le métal d'or et elle manque de se casser la figure de nombreuses fois avant d'arriver enfin à destination.
Une fois qu'elle atteint l'épaule de Biscione, sa patte tapote le sommet de la tête du chevalier.

- Eh ho ! Il est où mon bisbis ??? Jamais MON Biscione n'aurait douté de naninana ! T'es qu'un imposteur !

Les paroles de l'animal tirent un bref sourire à Toboe qui leur tourne rapidement le dos pour aller prendre place à côté de Kyo au sommet des marches qui mènent vers la maison du Grand Pope.
Quant à Ahina, l'expression horrifiée de son visage reflète bien tout l'étonnement qui la submerge face à la déclaration pour le moins violente de la petite Nao.

- Nao s'il te plaît... Finit-elle par dire à demi mots.

- Bah quoi ??? Crache-t-elle, furieuse, en tournant ses grands yeux ronds vers la déesse.

Un koala qui crie sur une divinité, ça n'est pas un spectacle que l'on contemple tout les jours il faut dire...

- Tu sais que j'ai raison ! Puis se retournant vers le visage de Biscione en manquant une nouvelle fois de faire le voyage jusqu'au sol d'une traite. Tu peux douter de qui tu veux, mais tu ne peux pas douter d'ELLE !!! T'as perdu la boule ? La mémoire peut être ??? Je dois te rappeler tout ce que vous avez traversé ensemble ou quoi ??? REPOND MOI BORDEL !!!

- Ça suffit Nao. Déclare-t-elle d'un ton ferme en saisissant le koala et en le déposant doucement sur le sol.

Faisant fit de la créature qui vocifère en agitant les pattes dans tous les sens, Ahina se plante en face de Biscione, le fixant avec une intensité qui pourrait presque en être gênante.

- Je ne vais rien t'apprendre mon ami. Ma mémoire est incomplète, comme à chaque réincarnation. Pourtant je devrais avoir l'habitude maintenant... Dit-elle dans un vague sourire. Alors peut être devrais-je me souvenir de quelque chose en particulier... mais je suis désolée et confuse de reconnaître que pour l'heure ça n'est pas le cas...

Esquissant un nouveau sourire et au risque de se voir refuser cet élan de tendresse, la déesse reprend une fois encore les mains du Scorpion au creux des siennes.

- Ton soupire de tout à l'heure... je l'ai entendu Biscione tu sais... Alors que chaque chevalier du Sanctuaire, qu'il soit sur notre terre sainte ou bien au-delà, a répondu à cet appel avec chaleur et affection. Tu as été le seul... dont le coeur ne s'est pas ouvert. Toi... qui es le plus proche de moi de tous... toi avec qui j'ai partagé tant de choses... Je ne comprends pas... qu'ai-je fait ?

La voix autant que l'expression de son visage, laissent apparaître une déesse parfaitement désorientée et dans l'incompréhension la plus totale.

- Penses-tu... Elle s'arrête quelques secondes, laissant ses mots en suspend, comme si elle ne pouvait se résoudre à envisager sérieusement cette hypothèse, puis finit néanmoins par achever ses mots. Penses-tu vraiment... que ce que je viens de faire était pour satisfaire mon égo ?

Pourtant il devrait savoir... mieux que personne...

- Mon rôle est de vous épauler et de vous soutenir quelque soit le moment, quelque soit le combat. Que vous soyez tristes ou heureux... Il est important que les Saints, de par le monde, sachent que je suis de retour. Cela leur donne du courage, cela les aide, cela réchauffe leurs coeurs... Tu le sais pourtant... Je n'ai pas d'égo Biscione... je n'en ai jamais eu... cela ne m'intéresse pas. Quelle piètre divinité je ferai si mon existence était régie par un constant besoin de puissance comme cela est malheureusement le cas pour certains autres dieux...
Je suis la déesse de la sagesse et de la guerre. Ce sont mes attributs depuis la nuit des temps. Mais finalement... je suis bien plus la déesse de l'humanité que celle de la guerre, même si la force des choses m'y contraint parfois. Tu le sais tout cela... n'est-ce pas Biscione...
J'ai fait des erreurs, je n'ai pas toujours agi comme je l'aurais du... je t'ai abandonné, je le sais et pas un jour ne s'écoule sans que j'y repense... Alors, peut être que je mérite ta colère.