FlashBack - Rencontre dans la nature (Pv Raizel)

Mon long voyage de retour continuait toujours, et m’avait emmené cette fois-ci, jusqu’à des terres qui semblaient vierges de toute présence humaine. J’avais beau fouillé dans la partie qui m’était revenue de ma mémoire, je n’avais souvenir de ce lieu. À croire qu’il s’agissait là d’un endroit dont je n’avais aucunement foulé le sol, malgré toutes ces années où j’avais pu être le protecteur de cette planète.

Le jour se levait, et avec lui, annonçait la fin de mes petits plaisirs nocturnes, doux instants de plaisir et d’extase sanglants. J’avais beau ne pas aimer cela, je ne pouvais que néanmoins m’y restreindre lorsque j’avais aussi faim que maintenant. Se nourrir du sang des autres, voilà donc une situation qui m’insupportais incroyablement, mais à laquelle je m’étais résolu pour utiliser tout le potentiel de ce corps. Il est bien vrai que je ne m’étais réincarné que depuis peu, alors faire du mieux que je pouvais avec ce que j’avais était ce à quoi j’étais réduit.

Un ruisseau qui dévalait le longs de ces hauts sommets me permis de me débarrasser des quelconques résidus de preuve qui auraient pu dire à voix forte « suceur de sang ». Suite à cela je me remis en chemin, explorant avec grande minutie chaque parcelle de ces terres, en prenant surtout tout mon temps. Après tout, du temps j’en avais à perdre, j’étais immortel. Après les crevasses, escarpements et autre forme rocheuse de ce lieu, je finis par déboucher sur une sorte de petit sentier, sur lequel je me laissais aller à utiliser mes attributs divins, fendant le vent presque aussi vite que la lumière. J’en vins à traverser une personne en chemin, que je devinais être une femme par son parfum. Une simple bouffée qui suffit à réveiller de nouveau mon appétit, irradiant mes pupilles d’une teinte écarlate.

J’augmentais encore mon allure pour m’éloigner le plus d’elle, de peur de me laisser aller à mes pulsions. Je finis par déboucher non loin d’une sorte de clairière rocailleuse près d’une excavation dans la roche qui fut inondée, où je choisi de faire une longue halte. Je me laissai aller à contempler le paysage, oubliant un peu ce qui se passait autour. Cela me détendit et me calma. Je me rapprochais du bord du lac encore pensif, pour y regarder mon reflet. J’avais vraiment du mal à croire que j’étais de nouveau sur terre, dans ce corps d’emprunt, et me laissait aller à faire scintiller un tant soit peu mon cosmos. Tellement absorbé que je ne la sentis pas me rejoindre, cette femme que j’avais abandonné en contrebas, dont le parfum se voulait assez enivrant.

Je sentis mon corps réagir de manière plus violente à la proximité de cette dernière. L’appel du sang était bien plus fort que tout à l’heure. Je sentais mes canines s’allonger alors que je tournais la tête pour poser mon regard sur celle qui soulevait mon appétit. Une bien jolie personne que voilà, mais qui était vraiment mal tombée. Elle ne devait surement pas apprécier la vue que je lui offrais, avec mes yeux rouges, mais elle ne devait surement pas être surprise. Après tout, je ressentais le scintillement de son univers intérieur d’ici… Un saint ?

Cela devenait difficile à contenir, cette soif sanguine que je ressentais à cause d’elle. J’avais eu à faire couler le sang la veille pourtant, mais cela ne me rassasiait pas. Il m’en fallait plus, bien plus. Un cri égaré de l’animal en moi qui me sommait de lui offrir sa pitance, au risque de mettre un terme aux jours de cette demoiselle qui s’avançait.

Non, en aucun cas je ne devais me laisser aller. Je n’étais pas un animal buveur de sang. Mon statut et mon rang m’imposait de me tenir d’une autre manière vis-à-vis des mortels. Enfin, avant toute chose il me fallait d’abord savoir où mes pas m’avaient mené, car quoi que je fasse, ce lieu ne me revenait point en mémoire. Avais-je par une quelconque manière foulé les terres d’un des camps qui se disputaient ce monde ?  Le petit scintillement de mon aura avait-il fait en sorte qu’on m’envoie un comité d’accueil si tôt ? Venait-elle pour moi ou bien passait-elle juste son chemin ? Beaucoup de questions qui me taraudèrent  l’esprit à mesure que je faisais de mon mieux pour stopper la pluie de question qui tendaient à naitre en moi et me lançais comme si de rien était, après une dernière constatation.

Visiblement elle cherchait à m’éviter, donc, elle ne devait pas être une ennemie, mais bon prudence était de mise. Voulant m’avancer à sa rencontre, j’oubliais de doser le mouvement, et en un instant je me retrouvais derrière elle, encore stupéfait par la bourde que je venais de faire.  La discussion sans arrière-pensée n’était donc plus une option... Enfin, cela dépendrait de comment elle interprèterait ce mouvement anormalement rapide que je venais d’exécuter. Jouer avec les mots n’était pas mon fort, alors mieux valait dire tout haut ce qui avait lieu d’être dit, au risque que ça tourne comme ça ne devrait pas.

Rendant à mes canines une taille un peu plus proche d’une canine humaine, je réduis mon aura, je ne souhaitais pas l’intimider, tout au contraire. Ma mine sévère se détendit un peu, pour laisser naitre un léger sourire, alors que mes yeux se posaient sur le colis qu’elle transportait. De quoi pouvait-il bien s’agir, je me le demandais. Je pris alors l’initiative de prendre la parole.

Il est bien rare de croiser de belles demoiselles en montagne…Excusez mon impolitesse, Raizel, enchanté… ! Vous sauriez où on se trouve ? Parce que moi, j’avoue m’être perdu !

Je n’y croyais pas. Elle était encore plus belle de près. Elle soulevait en moi quelque chose de plus fort maintenant que je pouvais plonger réellement mon regard dans le sien. La faim m’entrainait sur un sentier que je ne voulais pas, alors qu’elle répondait à ma question. L’Himalaya, le Tibet… Où avais-je bien pu atterrir moi ? Avais-je eu tort de me laisser guider par le scintillement des étoiles ? Je fouillais dans ma mémoire.

Aucune trace mémorielle d’un quelconque séjour dans cette zone. Je revoyais sur la carte du monde la zone, mais à part cela, aucune autre information. Comme si mon hôte n’avait donc jamais eu à fouler ces terres. Cela m’avançait bien.  Un vrai bourbier dans lequel je m’étais enfoncé tout seul et dont il fallait que je sorte. Elle m’avait proposé de me renseigner, pourquoi ne pas accepter. Après tout, elle semblait familière avec la zone.

Je reculais de quelques pas d’un air disant que j’étais un peu embêté. La réalité était tout autre. La faim, insatiable, irrépressible,  implacable, elle revenait, elle me parlait, soulevant mon cœur et mon âme. Je détournais le regard, le tournant vers la crevasse dans la roche pour cacher l’éclat écarlate que reprenait mon regard.

Je n’aimerais pas abuser de votre temps, vous semblez assez chargée comme cela ! Néanmoins, si  cela ne vous dérange pas trop… Pourriez-vous m’indiquer la voie pour sortir de ces montagnes ? Je crains de m’être égaré en ce lieu!

Mon cœur s’accélérait. Je sentais ma pression artérielle monter alors que j’essayais de chasser de ma tête ce son répétitif que j’entendais si nettement, ces battements de cœur qui me donnaient envie de ravager sa gorge, d’y planter mes crocs et boire ce nectar qu’elle dissimulait en elle… Quoi que… Pourquoi résister, ne serait-ce pas mieux de se laisser aller ? Une légère morsure de rien du tout, juste ce qu'il faut sans abus. M'en voudrait-elle si je le faisais? Une question à laquelle je ne trouvais de réponse alors que petit à petit mon cosmos se répandait aux alentours.

Elle m’offrit un sourire avant de pointer son doigt dans une direction et commencer à m’expliquer l’itinéraire à suivre pour me sortir de ces montagnes dans lesquelles j’avais réussi à m’égarer. Une explication assez simple et compréhensible, mais que je n’avais pas suivi dans la totalité malheureusement.

M’étant retourné vers la direction indiquée par sa main j’avais pu suivre une partie de son explication, me stoppant net d’écouter lorsqu’elle avait dit les mots "villages". Qui disait village disait habitants. Qui disait habitants disait du sang… Je savais que je ne devais pas penser ainsi, mais à cet instant, mon essence antique ne pouvait rien, si ce n’est contempler mon corps réagir à cette diète que je lui imposais depuis mon éveil.

Mon regard se perdait au loin un long moment, ma vue devenant de plus en plus perçante, fouillant à travers les montagnes cette présence humaine qu’elle avait mentionnée tantôt. La pensée d’un instant de beuverie me laissait dans un désarroi total. Je voyais enfin le mal que je portais en moi dans tout son sens. Je semblais absent, mais ce n’était point cela, mon corps cherchait à ressentir ces villageois-là, et y déversait toute mon attention, à tel point qu’il en oublia la présence de la demoiselle derrière et laissa monter mon aura, à tel point que cette dernière s’échappait à présent de mes yeux comme de la vapeur, et enfin, mes yeux se posaient sur la première statue à l’effigie de Bouddha. À ses pieds se tenait un homme en train de prier. Une image qui eut comme un effet de coup de fouet. La chasse allait commencer je le savais alors que je luttais plus que jamais pour rétablir ma suprématie sur mes pulsions.

Un combat intérieur qui dura un long moment, et qui peu à peu commencer à obscurcir les cieux. Mes canines étaient toutes dehors, mes yeux hurlaient la mort pour ceux qui les croisaient. La voix de la dénommée Mana à cet instant retentit, me demandant si elle pouvait faire quoi que ce soit d’autre pour moi. Par réflexe mes canines rentrèrent alors que je me retournais pour lui exprimer ma gratitude. Hélas, à cet instant mes yeux étaient restés pareils, avec leur lueur sanglante.

Vous en avez suffisamment fait pour moi ainsi. Je ne vais pas abuser de votre temps plus longtemps je crois. Merci encore Mana!

La pluie arrivait, et avec elle, le vent se levait. À cet instant, un mélange d’odeurs porté par ce dernier me parvint, depuis  les senteurs florales, jusqu’aux  bruits des gouttelettes sur l’étendue d’eau, en passant par le parfum de la jeune femme. Un parfum qui ne me laissa pas cette fois-ci. Je craquais définitivement, alors que mes yeux scintillaient à présent comme jamais et que je m’effaçais de son champ de vision.

Il y a bien une chose que je souhaiterais que vous fassiez je vous prie…

Je disparaissais pour me retrouver dans son dos alors que mon aura se laissait aller à présent.  Ma volonté s’y opposait mais mon corps agissait tout seul. Je n’y pouvais rien encore une fois, alors que de mes mains j’entourais la jeune femme avant de lui chuchoter à l’oreille sur un ton des plus glacial et ccompatissant.

Pardonnez-moi…