Enquête spéciale

De nature changeante, le Temple reste pourtant lucide – ou peut-être est-ce son maître qui, attentif, préfère autoriser un frère, ou sœur, dans ce cas présent, d'arme, pénétrer dans le domaine des Gémeaux ? Il serait dommage qu'une personne vienne à se perdre dans l'un des dédales chaotiques de ce Temple. Un dédale de souvenirs. De visions. De pièges, aussi. Non. Non. Personne ne risque d'apprécier cette sordide situation. Pas même le propriétaire des lieux. Dont la lecture n'a guère été dérangée par la sensation qui venait de traverser l'espace. Cette énergie. Qui danse. Qui s'accroche. Pour marquer sa présence. Il ne s'était qu'arrêter quelques secondes dans ce mouvement très simple qu'est de tourner une page. Pour simplement reprendre. Et laisser le Temple garder son aspect le plus simple et accueillant.

Enfin. Des choses changeront. Mais cela ne sera pas pour tout de suite. Cela n'est pas la chose la plus importante, à l'heure actuelle – même si cela ne demande pas tant de ressources que cela pour celui qui sait à qui demander et quelles forces utilisées.
Mais, oui. Cela n'est aucunement essentiel à l'heure actuelle. Pour le moment, l'attention est plus sur cette énergie. Qui semble résonner. Sans être pour autant parfaitement harmonieuse. Un détail qui l'arrache à sa lecture. Tout comme le mouvement dans le hall principal du Temple.

La jeune femme est silencieuse – et pour l'instant le fait de masquer son cosmos le rend symboliquement invisible à ses yeux. Sans doute aussi le fait qu'il se trouve en hauteur, installé – peu confortablement, mais qu'importe – sur le rebord d'un balcon, preuve de l'existence d'un étage. Le propriétaire des lieux l'observe. Quelques instants. Un court moment – à peine une demi-minute. Avant de fermer son livre d'un mouvement sec. Attirant ainsi, l'espère-t-il du moins, le regard de la demoiselle vers lui. L'une des flammes qui éclaire l'endroit dévoilant d'ailleurs son visage, mutilé, scarifié. Un œil froid. Un borgne, qui ne cache pas l'absence de vue de son œil, dont l'architecture reste présente. « Bonjour. » Se laissant tomber pour arriver sur le sol, celui qui semble être un jeune homme pose sa main sur son torse avant de s'incliner légèrement. Devant celle dont il reconnaît l'armure.

« Bienvenue dans la Troisième Maison du Zodiaque, Sagittarius. Mon nom est Damian. » Une lueur dorée commence alors à caresser son corps, les morceaux de l'armure apparaissant, directement contre sa silhouette. Quitte à échanger avec une sœur d'arme – si tant est qu'elle en accepte la dénomination – autant le faire dans les règles. « Gemini. » Maintenant, son cosmos est présent, bien qu'il n'irradie pas – n'ayant pas à prévenir de sa quelconque présence. Il est juste … là. Comme l'est toute énergie cosmique lorsque les Éveillés ne décident pas de la cacher ou de la rendre plus présente. Une nuance. Une nuance dans l'espace. Qui émane tranquillement de lui. Une énergie lumineuse imbibée d'une froideur particulière. Un froid que rares peuvent avoir ressentis. Différent du froid des Verseaux. Peut-être aura-t-elle un frisson ? Sans doute que non. Et même si cela était le cas, il ne serait pas à même de modifier cela. C'est ainsi qu'il est et ce même si elle ne peut le comprendre directement – à moitié vivant.

Fermant un instant ses yeux, il dépose le livre – un traité sur les derniers événements historiques – avant de l'observer à nouveau, glissant ses mains dans son dos. Une attitude assez militaire, en soi. « Puis-je vous aider en quoique ce soit ? » Neutralité dans sa voix. Bien entendu, si elle est là, ce n'est pas pour simplement visiter. Quoique. Quoique … elle pourrait. Après quelques aménagements, cet endroit pourrait être un lieu qu'il serait agréable de visiter. Il faudrait réaménager convenablement les étages inférieurs. De quoi pouvoir se perdre dans les souvenirs d'une époque oubliée – et de ses coutumes.

Mais pour le moment … Quelque chose lui disait … Que ce n'était pas une visite pour une simple rencontre ou visite.

HRP : Désolé pour le retard.

Angèle, donc … Le mot résonne comme un terme. Ange. Ange. Les messagers de cette divinité lointaine, innomée. Quelle étrange pratique de nommer son enfant par rapport à une créature. Non pas s'inspirer de cette créature. Mais simplement prendre ce mot, le déformer – légèrement – pour en faire un nom. Étrange pratique, oui … Mais pas impossible, vu qu'elle existe actuellement devant lui. Inclinant donc doucement la tête devant cette femme au nom angélique, Gemini laisse entendre quelques mots. « Enchanté. »

Sauf quand l'urgence lui demande, Damian n'est guère loquace. Lorsqu'il n'y a rien à dire, pourquoi parler ? Oh, bien entendu, il faut, parfois. Mais là, actuellement, c'est elle qui vient jusqu'à lui. C'est donc à elle de parler. À elle et à cette flamboyante présente qui vit à travers son énergie.
Mais, pour le moment. Celle qui doit parler semble hésiter, un peu. Même lorsque, enfin, les mots commencent à se détacher de ses lèvres, sa voix – bien qu'elle n'est guère tremblante – montre une certaine hésitation. Elle danse. Pour s'arrêter. Pour reprendre les pas. Et il peut comprendre, la nature de cette hésitation. Car le sujet est sérieux. Trop sérieux pour être ignoré. Trop sérieux aussi pour ne pas tout savoir.

Alors, simplement, le Chevalier d'Or tend légèrement sa main. Son doigt est tendu, pour l'arrêter dans sa parole. Non pas pour la couper. Mais pour lui donner un meilleur lieu, où parler de cela. Ses yeux, alors, se ferment. Tandis que son cosmos résonne dans la Troisième Maison. Lentement, l'Espace se tord. Les sons s'éloignent. Pour se rapprocher, différent. Alors que la pièce s'est étendue en une succession et un enchevêtrement d'escaliers. Ils montent. Descendent. Ils demandent parfois de faire une certaine gymnastique mentale, pour comprendre qu'ils sont à l'envers. Des portes se dessinent par endroit. Un dédale. Un dédale d'escaliers et de portes. Un dédale qui s'amuse avec les dimensions. Avec les choses les plus simples, même. L'avant. L'arrière. La gauche. La droite. Tout semble avoir été inversé, mélangé, décalé.

« Par ici. » La voix de Damian résonne, alors qu'il se trouve maintenant – par cette seule transformation spatiale – sur la gauche de la jeune femme. Avançant jusqu'à une porte – ses mains dans son dos –, le Troyen observe la porte s'ouvrir sur une pièce rappelant un temple antique, en l'honneur de la Sagesse. L'encens parfume l'ambiance – de cela, l'Odorat est certain. Les flammes jouent de leurs ombres sur les murs de cette salle – de cela, la Vue est certain.

« En effet, j'ai été mandaté par notre Déesse. » La porte se ferme alors derrière Angèle. Le Gardien de la Troisième Maison s'installe au sol, face à la statue de la déesse. Récitant quelques paroles dans cette langue ancienne qu'est le grec mythologique, il reprend, ensuite, son explication. « Durant notre première rencontre avec les Marinas, la Déesse et moi avons été atteint d'une affliction étrange. Des comportements … instables. Des sensations étranges – tel un sentiment de colère profond. Ou alors, une dépendance affective. » Tout en expliquant, il observe cette statue. « Quand nous avons repris nos esprits, nous savions. Nous savions ce qui s'était passé. Nous savions que cela n'était pas normal. Mais, au moment où cela s'est produit … Notre dépendance. Nos émotions. Toute cette affliction nous semblait normal. »

Son visage se tourne vers elle. L'observe, un instant. Il l'observe. Jaugeant ses réactions. Avant de regarder de nouveau la statue.
Il incline, doucement, la tête. Respectueux, sa voix résonne de nouveau. « J'imagine que si la Déesse Athéna vous a guidé jusqu'à moi, c'est que cette affliction ne s'est pas imposée seulement durant notre voyage dans les profondeurs. » Un léger soupir traverse ses lèvres. Combien peuvent avoir été touchés ? Et si cela ne touchait pas uniquement les Saints ? Si cela pouvait aller … plus loin … Dans sa réflexion, il s'attarde sur le Royaume d'Arès. Est-il possible de faire un lien entre ces deux phénomènes ?

Compliqué. Mais pas impossible.

« Puis-je connaître votre histoire à ce sujet ? »

Dans le silence de ce petit sanctuaire, le Chevalier d'Or semble méditer – presque absent. Remontant légèrement son genou, appuyant son bras contre. Il écoute. Ce silence devenir parole. Il ressent, les mots. Qui viennent illustrer les souvenirs de la jeune femme. Paupières closes. Damian écoute. Celle qui porte l'Armure des Poissons d'Or, isolée et froide de toute relation. Le Mortel qui représente la Déesse, effrayé par la possibilité d'une simple rencontre. Celui qui porte l'argent. Capable de vouloir enlacer quiconque. Voilà un étrange tableau qui s'est dessiné devant les yeux de la Sagittaire.
Dans cette histoire, un détail qui revient – outre les comportements. C'est l'absence. D'énergie. De cosmos. Une absence d'intervention extérieure. Ou du moins, une absence d'intervention extérieure capable d'être observée. Ressentie.

« Hm … » Le regard s'ouvre légèrement. La main vient chercher le menton. Réfléchir. Alors que les informations tournent et dansent dans son esprit. Une flamme est fixée. Celle d'une bougie qui brûle aux pieds de la petite statue de la Sagesse. « Le conscience est variable. L'être humain possède son propre niveau de ressenti. L'éveillé possède le sien. Les dieux possèdent le leur. Naturellement, les dieux sont bien plus conscients que nous. Sagesse est un terme qui désigne une compréhension et une conscience accrue – ainsi qu'une certaine capacité à utiliser ce savoir. Malgré tout … » Son visage se baisse légèrement.

Sa voix. Légèrement plus sombre. Alors que les lèvres bougent pour porter de nouveaux mots. « Pourtant, la conscience de notre déesse elle-même n'a pas suffit à repérer une origine à cette situation particulière. » Un regard. Dans la direction de la jeune femme. Qu'il observe. Non pas qu'il doute de sa capacité à observer, ressentir. Mais les limites du monde sont ainsi faites : les dimensions d'existence sont séparées. Et malgré toute la puissance qui peut habiter dans certains mortels, ils n'auront pas cette petite lueur. Cette conscience. Pourtant, forte, sans nulle doute que cette jeune femme l'est. Cela s'observe, là aussi. Sur son visage. Sur son allure. Dans son regard.
Doucement, la silhouette se redresse. Une main vient se poser sur son flanc. Alors que son regard se lève. Quelques murmures rapides traversent ses lèvres. Des réflexions sur la situation. Sur la conscience des divinités.

Puis. Un instant, sa voix s'arrête. Son visage se penche. Sur l'autre côté. « Une altération des émotions et des pensées, au point que cela devienne normal pour le sujet. Une maîtrise de la chose, au point que même l’œil de la Sagesse ne peut le percevoir … Discorde. » Le mot résonne légèrement dans ce petit sanctuaire. Il n'y a guère de réponses plus viables.
Sans doute est-ce trop simple. Mais ce n'est là que la première pensée de cette longue réflexion. « Pour le moment, ce n'est que la première chose qui me vient à l'esprit. La Sœur de Thanatos et d'Hypnos est douée dans l'art de se dissimuler et d'agir sur les cœurs. » Son regard, à nouveau, sur la Guerrière.

De là à dire que c'était une réponse. Non.
Juste une hypothèse, qu'il partage avec celle qui, comme lui, semble vouloir une réponse.

« Enfin … on pourrait dire que je suis de parti pris pour faire une telle théorie. » Il hausse légèrement les épaules. Avant d'observer la statue, légèrement nostalgique. « Dites-moi, le Grand Pope ou le Poisson d'Or. Se souviennent-ils de cet épisode ? »